vendredi 20 juillet 2012

Ça sent tellement la marde que ça goûte dans mon nez


Je suis tentée de dire qu’elle a senti que je suis de mauvaise humeur aujourd’hui. Depuis ce matin, Po est gossante. Elle miaule pas, elle hurle. Pourtant, notre vie a changé depuis qu’on vit dans notre Manoir deluxe. C’est fini, les longs cris rauques d’ennui profond — je parle de Po, pas de moi. J’veux dire, elle faisait ça, mais moi j’ai jamais fait ça, crier d’ennui, je m’ennuie jamais. Maintenant, on a de l’espace pour nous, on a la crisse de paix, des beaux planchers qui craquent. Maintenant, Po ne me réveille plus le matin juste pour me réveiller pour j’sais pas quoi. Quand elle vient me voir dans mon lit en me chatouillant le bras de ses douces griffes, je la flatte puis on se rendort en cuillère jusqu’à une heure raisonnable. Or, ce matin, elle voulait autre chose. J’ai fini par me lever. Déjeuné avec ce qu’il me restait de déjeunable. Aux côtés d’une Po qui miaule et veut tussortes d’affaires en même temps. Comme elle se tenait sur le bord de la fenêtre, j’ai cru qu’elle voulait aller dehors. Je lui ouvre la porte, elle plisse les yeux. Je laisse la porte ouverte, elle reste à côté de moi à crier. Je vérifie, elle a encore du manger de luxe dans sa gamelle et de l’eau fraîche juste à côté. Je la flatte un peu. Elle continue de crier.

Quand y’a rien qui marche avec Po, je lui donne de la droye. Je vais cherche son pot d’herbe séchée et j’en saupoudre une pincée devant elle. Mais là, contrairement à toutes les fois où je lui en ai donné dans sa vie, elle ne réagit pas. Weyons! T’aimes ça te rouler dans la cataire, Po! Qu’est-ce qui t’arrive? J’ai pas beaucoup de patience, je suis en crisse contre ma vie, mais je veux pas déverser ça sur ma chatte gériatrique d’amour, cette Po chérie qui me réconforte souvent sans même s’en rendre compte. Je me dis OK, je prends un break, j’arrête de penser, de ruminer, pis je m’installe par terre avec Po et sa brosse. Là, elle trippe. Je lui enlève son collier, la brosse en masse, jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus un pouèle mort sur le corps, elle bave à terre, je flatte et brosse, puis je jette les gros minous dans la poubelle et je retourne m’assoir à mon bureau.

Elle se remet à crier.

Je me remets à penser à mes finances de marde. Les factures en retard, les cartes de crédit que je finirai jamais de payer même si je vis longtemps, mon prêt étudiant que je devrai recommencer à payer pour la troisième fois dès novembre, l’argent que je dois à ma mère, l’argent que je devrai lui emprunter pour faire patcher une carie tellement grosse que je peux la voir sans me rapprocher du miroir, je pense aussi qu’il faut que je rachète du manger de luxe à Po dans les prochains jours, qu’il me reste deux rouleaux de papier de toilette, que j’aurais aimé ça m’acheter des bananes pis quèque chose sur lequel mettre mon beurre de pinotte à part mes p’tits bras mèyes pas de viande.

Aujourd’hui, je regrette les mauvais choix que j’ai faits, comme cette idée conne de retour aux études. Avant, j’étais pauvre, mais j’étais pas endettée. Aujourd’hui, je suis pauvre et endettée. J’aurais dû faire comme mon amie qui a financé ses études en vendant de la droye. Ou comme ma soeur qui a dansé tounue. Ou juste laisser faire. Faire eurien. Ou travailler dans une shop. Ou pas devenir malade mentale. Ou devenir tout ça en même temps et finir par faire une grosse crise de nerfs au centre d’achats et me réveiller à pital avec un papier médical pour inaptitude totale dans la vie d’aujourd’hui du 21e siècle qui te demande toute en même temps si tu veux pas être un tas de marde.

Ou j’aurais dû devenir maman au foyer pis passer mes journées à crier après mes enfants que j’ai jamais voulu avoir. Ou vendre leurs organes.

Ou je devrais peut-être recommencer du début. Anyway, j’ai pas d’orgueil, moi. Quand je vivais dans la Vallée du gouffre, on m’a déjà engagée pour travailler au centre communautaire. Parfois on me demandait d’enlever des petites mousses sur des vêtements usagés, et je le faisais. Je faisais le même travail que des déficients intellectuels. Ce travail était supposé m’aider à retrouver confiance en moi. Ha ha! C’est hilarant. Quand j’y repense, je ris en crisse. Je ris tellement que j’en ai les larmes aux yeux.


Ou peut-être est-ce le caca très épicé que Po vient de faire qui me fait cet effet?

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