jeudi 26 juin 2014

Ma Po est à bout de souffle

C’est après avoir pris le rendez-vous à la clinique vétérinaire que j’ai commencé à angoisser. Je savais un peu ce qui nous attendait, mais j’essayais de rester calme, me disant que c’était peut-être juste moi qui exagérais encore.  Je savais ce que le vétérinaire allait me dire, après avoir écouté la respiration de Po avec son stéthoscope jaune guêpe. Malgré tout, je me sens présentement comme Jeune Sophy, 11 ans, totalement impuissante devant la mort imminente de son cher Neuneu. Je dirais même que je le ressens avec encore plus de violence. Po, j’ai grandi avec elle. Près de deux décennies en sa compagnie. J’ai tellement de chance. C’est un grand privilège d’avoir eu dans ma vie la plus belle chatte gériatrique du monde. Mais là, il faut que je me prépare à lui faire mes adieux dans les prochains jours. Métastases aux poumons. Po respire mal. 

Le mois dernier, Rosa perdait sa Sibelle. La semaine passée, Sophie a dit adieu à son vieux Khéops. Dans ma tête, les chats ne devraient jamais mourir. Ni souffrir. Ils devraient être invincibles. Le monde est mal fait. Moi, c’est pas comme ça que je l’aurais fait. Qui a fait ce monde? Il est où, le cibole de crisme?


C’est pas possible d’empêcher les gens de mourir, je le sais. (Oui, les chats sont des gens.) Je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que Po connaisse une fin paisible. D’ici là, il nous reste quelques beaux moments à passer ensemble.

Po, t'as le droit de me réveiller pour te faire flatter. Ou juste pour manifester ton existence. T'as le droit de venir me roter dans face. Tu peux même faire un gros renvou sur mon Super Nin. T'as tous les droits.


Quarante-quatre respirations par minute au repos

Yé quatre heures du matin pis ça me fait chier de commencer ce texte comme une toune de Nuance. Je voulais me coucher à minuit, parce que je dors mal depuis des semaines, mais on dirait bien que c’est pas cette nuit que je vais régler ça. Je regarde Po. Je la flatte. Je l’écoute respirer. Micro-choc : elle peut mourir très bientôt. C’est dans le domaine du possible. Aujourd’hui, je discutais de la mort avec Annie. Elle est très inquiète pour sa Minnie, qui est malade depuis des semaines. Ça semble pas s’améliorer, et elle a très peur qu’elle meure. On le sait, il faut s’attendre à ça : tout le monde meurt. Et tout le monde peut mourir à tout moment. Mais quand ça devient trop concret, ça peut être badtrippant. J’expliquais à Annie que depuis que Po a été malade durant l’été 2012, j’ai eu du temps pour me faire à l’idée, me préparer à sa mort. Je me sens aujourd’hui plus sereine avec ça. Est-ce que je suis prête? Je pense pas, non. 

Cette nuit, je flatte Po, et je calcule sa fréquence respiratoire. Il faut que je me prépare : à partir de quand je pourrai juger que sa vie ne vaut plus la peine d’être vécue? Il n’y a pas de réponse à cette question.

Mes derniers mois avec Po ont été magiques. Tu trouves que j’exagère, avec mon adjectif bin trop plein de couleurs? Pas tant, non. Po a subi une mastectomie le 7 mars dernier, à l’âge de 18 ans et 10 mois. Elle aurait pu ne jamais se réveiller. Pas pour rien que j’ai tant hésité ici. Seize semaines plus tard — oui, j’ai décidé de compter en semaines, c’est plus réaliste — je peux dire que je ne regrette pas ma décision. Po s’est rétablie super vite. Fallait pas sous-estimer sa force! Hon, j’y pense. Peut-être que tu ne suis pas sa vie sur la page Facebook que je lui ai créée. Je te fais ici un résumé des événements dans l’ordre chronologique.

*

7 mars
À 8 h 04, j'entends Po galoper d'une pièce à l'autre comme une jeune pouliche fringuante. Je pense que c'est bon signe, non?

[En soirée]
Po est déjà de retour à la maison! L'opération s'est bien déroulée, et je suis extrêmement soulagée. En arrivant, elle est allée boire 300 litres d'eau (ou presque), puis elle a fait une mini tournée pour s'assurer que tout est OK dans sa maison. Elle a grimpée sur le lit sans problème, puis elle est venue se coucher contre moi... Je suis trop émue. Ma vieille Po. Elle est tellement forte. 
Merci à vous, amis et amies de Po. Vous êtes les meilleur-e-s.



9 mars
Aujourd'hui, j'ai vu des tas de gens au Salon du disque et des arts underground, mais une seule personne s'est présentée à ma table en me disant qu'elle venait POUR Po. J'étais touchée! Merci Mélissa.
Quand je suis revenue chez moi vers midi pour donner une dose de Metacam à Po, j’ai vu qu’elle avait mangé! Pis elle était bin contente de prendre sa médication (wtf, Po?). Je suis retournée au Salon l’esprit tranquille. Ma picouille prend du mieux.

Bonus : Mathieu me donne tous ses profits de Doctorak co!

Pendant que je suis au Salon, Mathieu me texte des nouvelles de Po : « La face dans le mou pis aweille donc. » AON.

La plus belle chatte bodypiercée du monde. 


11 mars
Po a recommencé à être gossante le matin. Rien ne pourrait me faire plus plaisir.


12 mars
Po bondit sur ma chaise tel un puma dans les Rocheuses.


13 mars
Po a reçu une carte de prompt rétablissement! *o*
Je suis tellement touchée... Avec un message farfelu et une motte d'argent pour payer des t-shirts et une partie de la facture de vet. Merci, mes chers Blais!  Broulx!



17 mars
Poème sale aime Po.

Je te mets au défi de faire un jeu de mots avec ça.


23 mars
Encore des bonnes nouvelles de Po : vendredi, son vétérinaire l'a débrochée! Il a constaté qu'elle a bien guéri, et il lui a enlevé son collier élisabéthain. ENFIN! Rendue à la maison, elle a bien sûr enlevé le petit bout de galle qui restait sur son front, mais c'est pas grave, parce qu'en-dessous, TOUT EST BEAU. Un petit spot sans poils mais bien cicatrisé. Son ventre aussi est très beau. Po est remise à neuf! Merci à Anick de nous avoir liftées et accompagnées. 

*

Après son débrochage, je suis partie en tournée gaspésienne avec Thieuse. Ça me brisait le coeur de me séparer d’elle, mais je la savais en sécurité, sous la garde de Frédéric, Francis et Annie-Claude, en plus du Ringuette au quotidien. Ils m’ont donné des nouvelles de Po, envoyé des photos, des vidéos. Sans eux, je n’aurais pas vu la Gaspésie (et je n’aurais pas fait la connaissance de Tue-Mouche, détails à venir).

Je pars pus jamais. Promis.


Les tumeurs de Po sont déjà de retour. Quoi, comment je peux dire que c’était une bonne idée de la faire opérer, alors? Parce que les quinze dernières semaines furent de très belles semaines. Et parce qu’elle en aura peut-être encore plein d’autres. Je peux dire qu’on a passé du beau temps ensemble, ma Po toute réparée pis moi. J’ai même l’impression qu’après sa convalescence, Po avait pris un p’tit coup de jeunesse. On aurait dit qu’elle avait 15 ans! À chaque matin, la plus belle chatte gériatrique du monde me poke la nuque jusqu’à ce que je me retourne vers elle, pour ensuite me miauler ça à deux pouces de la face. Haleine de poisson mort en prime. C’est merveilleux. Elle est fringante! Oh, ça a peut-être à voir avec ma fatigue, ce sommeil perturbé depuis tant de semaines… Anyway. C’est pas important, mon sommeil. J’ai toute la vie pour dormir.


Cette nuit, je regarde Po et je m’inquiète pour elle. Mais peut-être que demain tout ira bien. Qu’elle me fait une petite peur, parce que les vieux aiment ça nous faire un peu peur, de temps en temps, question de nous rappeler qu’on est tous des mortels. Une fois, François Blais m’a dit que « les grands-parents, c’est fait pour mourir ». Po est un peu une grand-moman, en quelque sorte. Mathieu, lui, m’a dit « on meurt pour laisser notre place à d’autres ». Ma tête est loadée de sages pensées, face à la mort. Je pense que je peux maintenant m’estimer sereine. Mais quand je pense à la mort de Po, mon coeur se déplogue de ma tête, et ça me remplit d’une grande tristesse.


vendredi 13 juin 2014

On fait chier

Quand j’ai créé mon t-shirt « Végane juste pour faire chier », ça ne m’a pas pris de temps pour trouver les meilleurs modèles pour le mettre en valeur sur mon Etsy de boutique. J’ai pensé à deux personnes que j’admire et, maudite chanceuse que je suis, ils ont accepté : Élise Desaulniers et Frédéric Côté-Boudreau. Élise, en plus d'être la meilleure ambassadrice de mon t-shirt de Po, est conférencière, et l’auteure de deux essais sur l’éthique alimentaire (Je mange avec ma tête et Vache à lait) et d’un blogue (qui a enfanté une page Facebook). Frédéric est doctorant à Queen’s University en philo, spécialiste de l’éthique animale, auteur d’un blogue qui fait fâcher du monde, parrain de mes deux rates Christina et Britney, et je l’ai déjà interviewé pour Terreur! Terreur!  juste ici, et . Tous les deux sont d’excellents vulgarisateurs, et je les vois comme deux icônes véganes du Québec (ris pas!). Et deux adorables êtres humains! OK, si tu les as déjà trollés sur internet, tu seras peut-être pas aussi d’accord avec moi, mais moi je t’assure, chère lectrice, que si tu les côtoyais, tu admettrais que j’ai raison. Et ce, même si tu n’es pas du tout convaincue par le véganisme.

Après avoir obtenu leur consentement — exploiter quelqu’un quand t’es végane, on s’entend que c’est pas terrible — , je suis allée rejoindre mes modèles chez Élise, et on a fait le shooting dans sa ruelle. Déjà que je suis pas une photographe pro, j’avais un peu de mal à faire de cadrages acceptables parce que je riais (des véganes drôles, ça se peut!), mais j’ai réussi à capter de bons moments.

Élise et Frédéric contemplent l'idée de vivre dans un monde végane.

Après le shooting, Élise m’a donné une copie de Vache à lait (hiiiiiii!), elle nous a parlé des pratiques homosexuelles de Barack et Roland Barthes, ses deux chats castrés, puis on a jasé de véganisme, de féminisme et de robes, et puisqu’elle avait du travail à faire, Frédéric pis moi on est allés remplir nos HP chez Sophie Sucrée. Lui pis moi dans une pâtisserie végétalienne, portant tous les deux nos t-shirts véganes, revenant d’un shooting à thématique végane… Me sentais full végintégriste.


Des jeunes gens heureux et dynamiques.

Merci à Frédéric et Élise! Et merci à toi qui refuses l’exploitation animale et combats le spécisme! Je peux-tu te faire un high five? (Et pas merci à la personne qui a pris mon t-shirt au premier degré. Je t’en veux pas, mais tsé, c’est plate pour toi.)


Roland n'était pas trop dedans pour un shooting. Non, ça y tentait pas.

Promo pour toi, mes lectrices : si tu m'achètes un t-shirt, écris-moi un petit mot en passant ta commande pour me dire que tu lis mon blogue et j’ajouterai une petite surprise dans l’enveloppe. Nul besoin de me dire que t’aimes me lire pis que mon blogue c’est le meilleur blogue de l’univers pis que tu voudrais te marier avec mon avatar, je cours pas après les compliments (je dirais même que ça me gêne un peu). Je veux juste te donner un petit cadeau. 

jeudi 12 juin 2014

Où est Frédéric Dumont quand j'ai besoin de lui pour un titre de note de blogue?

J’essaie de remplir ma déclaration de revenus de 2011. Rien que d’y penser, j’ai envie d’arrêter de respirer.

Quand je sors déposer mes vidanges au bord du chemin, je me sens comme un Sims. Je peux pas être plus adulte-responsable qu’à ce moment-là.

Tantôt, en revenant de la picerie, j’ai trouvé un escargot amoché. Quelqu’un a dû marcher dessur, un bout de sa coquille était pétée. Je l’ai ramassé. Avec deux de ses amis; ça se tient en gang, ces gluants-là. Je vais rénover sa maison, à l’escargot brisé.

J’ai des projets. J’accomplis des choses. Je ne travaille pas. Je rembourse mon prêt étudiant pour mes études avortées. 

Finalement, j’ai pas lu Le secret. C’tu grave?












mardi 3 juin 2014

Le Passeport

On parlait de Bauhaus et, chose rare, Mathieu a décidé d’en faire jouer. « C’est pour te faire plaisir. » Mais tchèque-le bin essayer de gâcher mon plaisir. 

— Les paroles te gossent pas?
— Non… Bin, j’y porte pus trop attention, depuis le temps.
— Ça fait « je vais au cégep pis j’utilise des mots rares ».
— Aaaah, cesse! J’AIME BAUHAUS.
— Oh! Bauhaus c’est totalement des étudiants en Histoire de l’art! Ha ha! « Manne, as-tu vu ça le Cubisme? C’est pété! »
— AAAAAH!


Plus tard, on décide d'aller se shaker la fesse au Passeport. Quand on sort au Passeport, on finit forcément par parler du Passeport. On aime cette place, on aime y observer la faune, sans pour autant se considérer en dehors de cette dite faune, et jamais, jamais je n’ai envie de me moquer des gens du Passeport, pas même des goths les plus clichés du monde. Je suis pleine de tendresse envers eux. Je saurais pas trop dire pourquoi. Ils sont beaux. Ils persistent. Mais Mathieu, lui, il a toujours des affaires intelligentes à dire sur le Passeport et sa clientèle. On dirait qu’il est constamment en train d’écrire un article pour Liberté au sujet du Passeport. Comme là, tantôt, il me sort que « le Passeport, c’est lowbrow. Comme la lutte, les danseuses pis les monster trucks. »

— Tu penses?
— Oui! Pis oh : le gothique, ça célèbre le nerd sexuel. Personne veut voir le nerd sexuel!
— Sauf nous autres!

Et tout ça se passe sur la piste de danse, pendant qu’on se fait aller à côté du DJ pis des caisses de son.

— Ça, c’est tellement un set de sorcières.
— C’est pour les gothiques qui pratiquent le wicca.
— Oui! Tu savais qu’avant il y avait une boutique de wicca sur St-Denis?
— Non! C’est fermé?
— Oui. Ils ont reçu un sort. Le sort « on s’en câlisse ».
— HA HA! Je pense que je vais noter les belles gnéseries que tu me sors à soir…
— Oh! Ça c’est la cueillette de pommes!
— De kessé?
— Oui, regarde! [Il fait le geste gracieux de cueillir doucement une pomme d’une branche haut placée.]
— HA HA! J’ai jamais entendu cette expression!
— Tu cueilles la pommes, tu la mets dans ton sac.
— Attention, il faut tourner la pomme délicatement pour ne pas abîmer le pommier!
— Ha ha! C’est vrai!
— Coudonc, c’est-tu Fardoche qui t’a appris à danser de même?
— Fardoche SORTAIT au Passeport! Il teignait sa moustache en noir!

On est retournés s’assoir parce que j’avais mal au dos. 

L’un des danseurs était gros dedans, il faisait des signes au DJ, approuvant ses choix musicaux, mais le plus hot c’est quand il a fait un move de danseur de Tetris. Je me tannerai jamais du Passeport. Mathieu a les yeux qui brillent. « Oh! C’è bô! »

Mathieu est fin, il respecte mes limites. Des fois, on reste même pas jusqu’à la fermeture. « On peut s’en aller quand j'aurai fini ma pinte, si tu veux. » « OK! On va regarder Panique au village? »



On n’a pas entendu une seule toune de Bauhaus au Passeport. Ça me donne l’impression d’avoir perdu un concours qui n’existait que dans ma tête.*






*Mais j’ai gagné un poster de Wumpscut! w00t w00t!

Les nerfs, la Zepam

J’ai rêvé que mon fanzine Les araignées géantes remportait un prix Expozine. Je montais sur scène pour recevoir le prix et faire mes remerciements, et Darnziak était tout près, il devançait toute la foule. Naturellement, j’ai dit : « Je veux remercier Darnziak, parce que ce fanzine on l’a fait ensemble, et on a eu beaucoup de fonne à le faire. » Après que j’aie prononcé ces mots, Darnziak a disparu. J’ai enchaîné. « Je veux aussi remercier Mathieu, parce qu’il est toujours là pour moi. » Et pour terminer : « Et je veux bien sûr remercier mes lecteurs, sans qui tout ça ne serait pas possible… » Et là, je vois que la salle est vide. Il n’y a personne, pas un chat, pas même des grillons qui chantent, EURIEN.