mercredi 29 janvier 2014

La fois où j'ai détesté mon gynéco


Est-ce que ça t’écoeure, les histoires de nounes dans un contexte médical? Ou les histoires de nounes dans tous les contextes? Alors lis pas ça. Va lire mes histoires de chattes, à la place. Je parle même pas de nounes, tu vas voir.


J’ai toujours trouvé que les médecins prenaient des précautions ridicules lors de l’examen gynécologique. Personnellement, je trouverais ça bin correct d’enfiler une jaquette de pital pour ensuite enlever mes culottes. Mais les médecins, ils m’offrent de me changer derrière un rideau ou dans une salle de bain. Euh. Tu vas aller me tâter le col de l’utérus mais tu veux pas me voir enlever mon pantalon? OK… Eh bin hier j’ai compris pourquoi ces petites attentions que je présumais inutiles ne le sont pas tant que ça.

Ça faisait trois ans que je cherchais un gynéco à Montréal quand mon ami Louis, qui vit à l’autre bout du monde, m’a proposé une clinique à CDN. J’ai appelé, et on m’a donné un rendez-vous moins d’une semaine plus tard. Euh, wow. Je croyais rêver. Jusqu’à ce que j’entre dans le bureau du gynéco en question, un monsieur bossu qui se déplace péniblement. Ayant lu cet article il y a deux semaines, j’avais l’intention de demander à mon nouveau gynéco s’il connaît la technique à l’anglaise. J’ai décidé de laisser faire. Feeling de même, tsé.

Je commence en lui disant que lors de mon dernier examen, on a trouvé des cellules atypiques sur mon col. L’infirmière m’avait dit que c’était sûrement pas grave, mais qu’il fallait tout de même faire un suivi parce que ça peut quand même être un signe avant-coureur du cancer du col de l’utérus. Le gynéco m’a fait des gros yeux en soupirant. OK, je reconnais mon erreur. J’aurais dû consulté BIN AVANT. Ça, c’est indiscutable. Bon, je dois avouer que je vis un peu dans le déni depuis trois ans. Serait-ce un léger traumatisme lié au cancer? Je saurais pas dire.

Il me demande si j’ai autre chose à rajouter avant l’examen.

— J’ai parfois des douleurs.
— Des douleurs?
— Oui. Pendant les rapports sexuels.
— …
— Mais j’ai pas d’autres symptômes.

Il dit rien. Il dit FUCKING EURIEN. Heille, je te parle de mon vagin, ça sort-tu de ton champ de compétences? Ossetie.

J’étais déjà tendue parce que j’avais peur qu’il me dise que j’ai le cancer pis que je suis vraiment la pire des connes de pas avoir fait de suivi rigoureux, et il me lance : « Enlevez votre pantalon. »

— Euh. Je peux pas avoir une jaquette?
— Non. Enlevez aussi votre culotte.

Bon. Je vais m’arranger pour que ça se passe vite...

Je m’installe sur la table, j’essaie de me détendre. Je me rappelle les paroles de Mathieu, qui me disait la veille que si j’ai pas de symptômes, j’ai sûrement rien de grave. Le gynéco arrive avec son poignard, pardon, son spéculum, et me plante ça dans la noune. J’ai un mouvement de recul.

— Euh… Monsieur? Ça fait mal.

Il pousse.

— DUDE. Ça fait 112 ans que tu pratiques la gynécologie pis t’as pas encore compris qu’un vagin ça se force pas?

— Si ça fonctionne pas, va falloir y aller par le rectum.

— Ah, fiou. Comme quoi y a une solution à toute, han?
— …
— Pis si ça marche pas, vous pourrez toujours appeler la police. Avec un bélier, ça devrait marcher. Han. HAN?

Il laisse faire le spéculum et y va direct avec sa tige.

Je suis couchée sur la table d’examen, les pieds dans les étriers, pendant qu’il prélève des cellules sur mon col comme s’il ramassait un cossin tombé dans la craque entre le four pis le frigo, et c’est là que je me dis, ayoye, une chance, une crisse de chance que j’ai jamais subi de violence sexuelle, parce que ça m’aurait drôlement perturbée qu’un médecin soit aussi brutal avec moi. Cet individu ne me connait pas, il ne connait pas mon vécu. Pas besoin d’être un génie pour comprendre que c’est touchy d’aller fouiller dans le vagin d’une femme qu’on connaît pas. Oui, même dans le cadre d’un examen médical.

C’est comme ça que j’ai compris pourquoi les médecins — ceux qui sont professionnels et attentionnés — nous proposent de se changer derrière un rideau. Se déshabiller devant un inconnu, c’est pas banal pour tout le monde. Je sais pas pourquoi, mais ça me semble encore plus gênant que s’exposer le col de l’utérus. Ou peut-être que c’est moi qui suis pognée? Si c’est le cas, bin c’est totalement mon droit. En tout cas, y a pas un crisse de gynéco qui avait réussi à me rendre mal à l’aise avant lui. Bravo, manne.


— Bonne nouvelle, vous n’avez pas de tumeur, pas de kyste. Vous êtes en santé.


Je suis rassurée. Pour vrai. Mais je suis en crisse pareil. Et je m’ennuie de l’infirmière qui m’avait fait le plus beau compliment gynécologique du monde.



Fille, si t’as subi un traumatisme sexuel, choisis bien ton gynéco. Et n’ouvre pas les cuisses si t’es pas à l’aise.

dimanche 26 janvier 2014

La dépouille de Po

Je me demande ce que je vais faire avec le corps de Po. Ça peut sembler morbide ou grossier de penser à ça, mais c’est un tracas réel. Je vis en ville. Je peux pas enterrer un cadavre dans ma ruelle. Mes parents sont à la campagne, et comme me l’a fait remarquer Frédéric, Po retournerait d’où elle vient si je l’enterre là-bas. Mais on habite à 400 km du lieu de naissance de Po. Il faudrait donc que je trouve une manière rapide de me rendre chez mes parents dès que Po sera morte.

On y va en hélicoptère? On fait un cortège funèbre dans le ciel? On dit bonjour aux montagnes?

Mais en attendant le départ vers la Vallée du gouffre, je vais la mettre où, la dépouille? Je sais pas si je suis game de placer le corps de Po dans mon congélateur. Quand j’étais enfant, on avait un deuxième frigo au sous-sol, et le congélateur nous servait en quelque sorte de morgue pour nos petits animaux de compagnie. Souris, hamsters, lézards, oiseaux, y ont fait une transition avant d’être enterrés au cimetière d’animaux chez ma cousine Janie. Quand le p’tit Francis avait révélé ça à un de ses amis de la classe, je m’étais un peu fait écoeurer. J’étais apparemment morbide comme c’est pas possible. Mais c’est pas de ça que je veux parler. Ce que je veux dire, c’est que dans le temps, on avait un congélateur bonus. Maintenant, je n'en ai qu'un, et je suis pas sûre de vouloir placer Po à côté de mes sacs de légumes et mes muffins congelés. S’il fait encore froid, je pourrais la placer dehors près de ma porte, dans une boîte, mais j’ai peur de ce qui pourrait lui arriver. Si on m’a déjà volé un cadre de Jésus accoté à côté de ma porte, on peut auss bien partir avec le cadavre de ma chatte. Ça serait freak et frustrant, mais c'est un peu d'même qu'est le monde, non? Et là j'ai même pas encore parlé du problème de comment qu'on peut bin creuser un sol gelé. Fuck.

Pourquoi je me pose ces questions? Ne devrais-je pas plutôt m’inquiéter de ma Po bien vivante, ou de sa mort? Ça, j’y ai déjà pensé. Et j’ai pas pour autant cessé de m’inquiéter. Mais au moins, j’ai une idée de comment je voudrais que ça se passe.

Po n’en a plus pour longtemps. Son cancer progresse. L’une de ses tumeurs est bien ulcérée, et la plus grosse commence à le devenir aussi. Globalement, elle va bien. Elle mange chie dort pisse hurle à deux pouces de ma face le matin au beau milieu de ma nuit, elle galope comme une pouliche, elle attaque et tue des ficelles comme une vraie, elle ronronne sous mes draps et ça résonne dans les ressorts de mon matelas. Elle broulx et re-broulx. Mais le cancer est là, et pas sur le bord de prendre un break.

J’ai une idée de comment sa mort idéale pourrait se produire. Idéale pour vrai de vrai? Elle s’endormirait doucement pour ne jamais se réveiller. Pas de peur, pas de bobo. Son petit coeur qui prend sa retraite. Mais sa mort idéale réaliste, c’est l’euthanasie. Euthanasie dans le vrai sens du terme, on s’entend. Rien à voir avec les mass murders du Berger blanc. Je voudrais qu’elle meure chez nous, au Manoir deluxe, dans le plus grand confort possible. Dans mes bras, si ça lui tente. Mais pas dans la terreur, pas à l’hôpital vétérinaire, pas sur la table en stainless.


Tantôt, Mathieu m’a envoyé ce lien vers The Order of the Good Death (1). Essaie de lire ça sans pleurer. Caitlin Doughty raconte la mort de sa chatte, The Meow, qui avait un cancer mammaire comme Po. The Meow a connu, à mon avis, une fin paisible, exactement comme je le voudrais pour ma Po. Va lire ça, tu vas voir, c’est triste mais c’est surtout beau et lucide. Faut pas avoir peur de la mort. C’est ce que j’arrête pas de me dire, même si j’arrête pas non plus de vous dire d’arrêter de mourir, bande de câlicrismes.


(1) Je te préviens : on y voit des photos de chatte morte. Mais c'est pas gore. Juste mort. Et beau.

mercredi 8 janvier 2014

Blender

Ça fait une demi-heure que je suis rentrée dans mon Manoir deluxe bien chauffé, pis mes cuisses ont pas fini de dégeler. Mais je me plaindrai pas. Je te le promets.

Je reviens d’une petite soirée avec mes Pascale. Moi, je me déplace presque toujours à pieds. Je pensais que je faisais pitié avec mes bottes cheaps qui prennent l’eau, que c'était vraiment pas drôle d'avoir les orteils comme des frites surgelées, mais quand je me suis arrêtée pour donner de la monnaie à un SDF assis par terre avec son chien, tous les deux enveloppés dans des couvertures, je me suis sentie poche (ça m'arrive souvent). Ris pas de moi, OK? Je sais qu’on a le droit de se plaindre de nos petits maux même quand on le sait que le monde est rempli d’horreurs. Mais là, c’est pas ça que je veux faire. Je suis troublée et choquée. Mais c’est pas toute.

Je salue le gars, je fouille dans mon porte-monnaie, je flatte la grosse bête placide. Ta chienne s’appelle Blender, han?

Bin oui, chus d’même. Du genre à reconnaître un chien mais pas l’humain au bout de la laisse. Je connais tous les chiens de mon quartier — le couple de lévriers italiens qui se font aller les p'tites pattes vvt-vvt-vvt, le labrador chocolat aux grosses couilles, le p’tit teckel à roulettes, le bâtard noir au museau grisonnant, le doberman croisé qui attend toujours à la porte de la même boutique, le danois arlquin qui passe pour un poney, le chien nu mexicain que je peux pas lâcher des yeux quand je le rencontre sur la rue, le bichon croisé qui se balade toujours librement, l’ossetie de berger australien rouge qui jappe après Po, etc. — mais je pourrais difficilement identifier les gens que je côtoie quotidiennement depuis bientôt trois ans. J’ai reconnu Blender. Et je vais tâcher de me rappeler de M. M qui semble à boutte, ce soir.


— Le frette est vraiment toffe, à soir.
— Mets-en… As-tu une place où dormir?
— J’pourrais, mais j’peux pas à cause de mon chien, y veulent pas me laisser rentrer.
— Bin voyons, c’est donc bin cave! Ayoye, c’est con, mais j’avais pas pensé à ça… 
— Y veulent que je m’en débarrasse, mais moi j’veux pas! Ça fait douze ans que je l’ai!
— Mais pourquoi ils les refusent?
— Parce que ça chie, ça pisse, ça s’bat…
— Les humains aussi…
— Bin oui...


Blender a une épaisse fourrure, mais le frette humide, c’est trop pour une chienne gériatrique. Pour manger dans sa gamelle, elle sort de sa couverture. Trente secondes sans couverture et elle prend froid. M l’abrie de nouveau.

Je suis naïve, moi. J’ai pas tout vu. Je sais bin que plein de sans-abris dorment dehors, mais je me disais que les nuits de grands froids, ils pouvaient être hébergés. J-L, il dort souvent dans les saunas. Il dit que ça lui coûte pas trop cher, pis il se fait pas écoeurer. Mais M, avec sa Blender, il pourrait pas entrer dans un sauna, pis encore moins dans une centre d’hébergement.


— Une chance qu’elle a du gros pouel… Mais penses-tu qu’elle aurait besoin d’un manteau?
— Oué, je voudrais lui en faire un. Coudre des patchs de cuir, de quoi d’même.
— Aimerais-tu que je lui en fasse un?
— Han, tu serais capable?!



Je lui ai dit que j’avais jamais fait ça, mais c’est un projet que j’ai en tête depuis quelques jours. Recycler des vieux manteaux pour en faire des manteaux pour chiens. Je comptais les donner à des refuges pour chiens, mais grâce à Blender et son humain, je réalise que ce serait peut-être plus urgent de les offrir aux SDF qui ont des chiens. J’ai dit à M que j’allais essayer. Dans ma tête, c’est une promesse, et si je l’écris ici, je pourrai pas faire semblant d’avoir oublié ma promesse. Faut que je fasse un coat pour Blender. Pis si je me fie à MétéoMédia, faut pas que je niaise.