lundi 26 mars 2012

La fois où j'ai eu une dose massive d'espoir


Le matin de la manif, j’avais un rendez-vous important. Je devais présenter un projet devant un comité, et puisque c’est un projet qui me tient à coeur, j’étais pas mal stressée, bin plus qu’avant un exposé oral qui vaut 25% pour de ta note finale, et j’étais aussi pas mal stressée parce que c’était à 9 heures du matin et que j’avais peur de me sentir totalement décâlissée et tout gâcher ma présentation. Mathieu m’accompagnait, il a bravé le matin malgré sa grippe méchante qui le tient au lit depuis près de trois jours. Je me suis inquiétée en grande partie pour rien parce qu’en dépit de ma grande fatigue et de mon anxiété, tout s’est déroulé à merveille, tout est parfait, mon projet est accepté, je suis heureuse, légère, je souris comme une débile. Mathieu se sentait trop malade pour marcher 15 minutes alors il est rentré chez lui en taxi, mais moi je voulais marcher, j’avais trop de bonheur à dépenser avant de faire ma sieste pré-manif et je voulais m’acheter du jus dans lequel verser ma potion magique anti-grippe.

J’arrive chez moi vers 10 heures. Là, faut que j’organise toute la patente avec Darnziak et Alexie, avec qui je veux manifester. Mais je crois pas être en état de me rendre là à midi et demi, mes quatre heures de sommeil n’ont pas rechargé mes batteries, je dois faire une sieste. Impossible d’utiliser la messagerie Facebook, elle est pétée. Hum, sûrement un complot de Facebook contre les étudiants, question de fucker un peu leur organisation. On doit se rabattre sur des méthodes de communication archaïques : le TÉLÉPHONE.

C’est pas super simple, tout le monde n’a pas de téléphone à poche. Je suggère à Darnziak de rejoindre Alexie, puis qu’ils aillent rejoindre Luc Chicoine et Marie-Chantal, avec qui je voudrais aussi manifester. Ils sont les seuls à avoir un téléphone mobile, je pourrais donc les rejoindre plus tard sans leur donner un rendez-vous à l’avance, et ainsi me permettre de DORMIR. 

Dodo avec Po. Po qui ronronne trop fort, qui me donne des gentils coups de pattes pour j’sais pas quoi. Broux? Broux.

[Alarme désagréable] 
Je texte Luc Chicoine, lui demande si Alexie et Darnziak sont avec lui. 

Luc CHICOINE! : Non, là je viens de sortir de la manif, j’ai manqué m’évanouir.
Moi : À cause? :O
Moi : T’es à quel coin de rues? Je peux aller te rejoindre. Et si t’as besoin de kekchose, dis-le moi.
Luc CHICOINE! : Faut j’mange, mais j’m’arrange. Je suis en face de La Baie sur Ste-Cath.
Moi : Je prends Clark jusqu’à Ste-Cath, dis-le moi si jamais tu te déplaces.
Luc CHICOINE! : OK!
Luc CHICOINE! : La manif est géante, j’ai jamais vu ça.

En marchant sur Clark, je texte Marie-Christine Lemieux-Couture pour savoir où elle se trouve. Elle me dit qu’elle est à l’une des têtes de l’hydre-manif, que c’est beau et pacifique, qu’il y a une pluie de carrés rouges. J’approche de Sherbrooke. Je les entends. Je les vois! Sont là! Guerosse gang! Wow! Sont beaux, souriants, enthousiastes, tout beurrés de rouge.

C’est con mais la première image qui me vient en tête en voyant la foule, c’est Pooyan, un jeu de NES. J’ai jamais pris part à une manifestation, mais j’ai joué au Nintendo en crisse. Mon cerveau est conditionné pour ça, on dirait. J’ai longtemps cru que Pooyan et ses amis étaient des moutons, mais en réalité ce sont des cochons. Qui doivent affronter le clan des loups pour retrouver Pooyan.

Au moment où j’approche de la foule de petits cochons joyeux, Luc Chicoine en sort, les bras dans les airs pour me signaler sa présence. Comme dans un firm! On se fait la bise et on commence à suivre le mouvement. L’ambiance est étrange, pré-orage de juin, mais très festive. Beaucoup de rouge dans la foule, de chants, de percussions, y’a même un ghettoblaster-fuck-truck qui roule pas loin de nous. On le dépasse un peu, question de s’entendre parler. Luc Chicoine a oublié sa cloche à vache. Argh! Luc Chicoine! Gimme more cowbell!

Bon, encore une fois, j’ai mal évalué la température, et je commence à avoir trop chaud. Je porte ma jupette de collégienne — pour la cause, bien entendu — mais j’ai eu l’idée d’enfiler les leggings « juste au cas ». Faut que je m’en débarrasse. Je me cache à moitié dans la cour des gros condos neufs sur Sherbrooke pour enlever mes leggings discrètement. Des agents de sécurité viennent nous voir parce qu’on a full genre pas le droit d’être là, mais c’est pas des flics, et ils comprennent vite que je voulais juste me déshabiller et non pas violer les chars des propriétaires de condo luxueux. Pendant que je lace mes bottines, on voit passer un monsieur avec un très grand chien hirsute. Un lévrier irlandais. J’avais jamais vu ça sauf dans tous les livres de chiens que j’empruntais à la bibliothèque quand j’étais jeune, et j’avais retenu que c’est la race qui a la taille moyenne la plus haute. Luc Chicoine dit « on dirait une créature de film d’horreur » mais moi je pense plutôt que « c’était la Bête du Gévaudan ».

On voit un meute de flics qui ont confisqué des bâtons aux petits cochons rouges. Ça ressemble bin gros aux bâtons qui servent à faire des pancartes. En tout cas. Je prends pas le risque d’aller questionner les flics, je veux pas me faire mordre par le mâle alpha. De l’autre côté de la rue, je vois une talle d’enfants qui nous regardent par la fenêtre, collés dans la vitre comme des plecostomus. C’est une garderie, toute vêtue de rouge. Luc Chicoine me dit que les enfants sont souvent à la fenêtre quand il y a une manifestation, mais vu l’ampleur de celle-ci, ils vont sûrement se tanner avant la fin. Bin non, jamais! Les enfants se tannent pas, ils peuvent regarder 60 fois le même maudit film poche, faque j’ai confiance qu’ils peuvent toffer huit heures de manif sans bâiller. Tchèque leurs yeux! Ils rient! C’est nos alliés!

Je reçois des petits sourires, et je comprends plus tard que c'est probablement à cause de ce qui est écrit sur ma camisole rouge : « Je supporte les esties de morveux sales puants. » Au coin Cherrier/Berri, je croise la soeur de Mathieu. Elle est là avec son chum et des amis. Je lui dis que Mathieu est déçu d’être trop malade pour manifester, mais que je l’ai amené avec moi : 

(Dessin d'Iris)
Il tombe des brins de pluie, mais ça démotive pas les petits cochons. « La pluie contre la hausse! La pluie contre la hausse! »

On est rendus au Vieux-Port, au boutte de la manif. Ça fait un énorme tapon de monde. Et dans cette masse de cochons rouges, je tombe par hasard sur Rose et Jonas. Les discours sont commencés, mais on comprend pas bien parce qu’on est trop loin, on se dit qu'on va les écouter sur YouTube, et puis ma vision commence à fucker un peu. Il y a un cercle flou dans mon champ de vision, et ça me gosse au point où j’ai de la misère à suivre la conversation avec Luc Chicoine.

Au début, c'était un tout petit cercle.


Tranquillement, le cercle est devenu plus grand et fatikant.

Je me dis que mon corps a peut-être besoin de calories mais que je suis trop fatiguée pour m’en rendre compte, alors je mange une barre Milange du randonneur. Ça passe pas. On s’assoit. On s’assoit, oui, mais on reste debout, parce qu’on est des osties, on est là pour être debout. Ah! Ma glycémie est peut-être trop basse! Je sors mon glucomètre pour tchèquer ça. Je suis pas diabétique, mais mon médecin m’a prescrit ce machin parce que j’ai tendance à faire de l’hypoglycémie. 6,1, c’est bin correct. Arf, c’est énervant, le cercle s’agrandit. Je vois quand même bien, mais ça m’inquiète pareil. C’est pas un symptôme de caillot cérébral, genre? ACV? Ou autre affection grave et urgente? Au moment où je me demande si je serai capable de rentrer chez moi à pieds, un visage familier passe devant moi. C’est Alex! Et il me reconnait! Alex, c’est un ancien collègue de travail, je l’ai connu en même temps que Simon Douville et Maxym Ringuette. Il étudie à l’Université Laval et je sais qu’il s’implique beaucoup dans le mouvement étudiant, alors je suis pas étonnée de le voir là. Mais quand même, le croiser par hasard dans une mer de (200 000?) personnes! Il doit courir pour attraper son bus pour rentrer à Québec. Il a pas dû me trouver bin dynamique… Bon! Le halo flou a disparu! OK, on poursuit la marche? Go! 

On est un petit groupe à marcher sur une Ste-Catherine encore piétonne. Je laisse Luc Chicoine me guider, je regarde à peine où on s’en va, je concentre me dernières barres d’énergie dans mes jambes. Au coin de St-Laurent et Ontario, je salue mon ami qui s’en va bravement travailler. Je sais qu’il est fatigué et stressé parce qu’il donne un séminaire le lendemain matin. Je lui envoie des bonnes vibes magiques de bonne humeur de joie de vivre. Je fais quelques pas et je me retrouve face à une madame, une Italienne aux cheveux blancs, qui regarde derrière moi avec inquiétude. « Sont tellement chiens… » Je suis pas certaine de savoir de qui elle parle. « Sont tellement chiens les policiers. Ils viennent d’embarquer deux personnes pour rien! » Elle secoue la tête. Je me retourne, trop tard, la voiture les a avalés. Je poursuis mon chemin. Sans musique dans mes oreilles, ça fait drôle, j’ai pas l’habitude de sortir sans mon bébéPod. Je peux mieux percevoir le calme qui reprend tranquillement sa place dans la ville. Sur Sherbrooke, je croise Marie-Chantal avec un ami. Han! Wow! Encore un beau hasard! Je lui montre mes photos.


Un pigeon qui s'est sacrifié contre la hausse.

Tête de mort, tête de mort CONTRE LA HAUSSE!

Fofy Caouette, la chatte de Choukri et Léa



Avant d’arriver chez moi, je passe devant chez Mathieu et je lui envoie des becs soufflés afin qu’il guérisse plus vite.

Rendue chez moi, je tire les rideaux et je m’écrase dans mon lit. Je suis crevée mais tellement bien. Le corps lourd, le coeur léger. Aujourd’hui, c’était ma fête et je l’ai célébrée avec 200 000 personnes qui le savaient pas.

jeudi 22 mars 2012

J'aime les goélands


Les pompiers sont encore venus tantôt. C’est la deuxième fois cette semaine. Quand je suis sortie du bloc, un de mes voisins était assis dans les marches près de l’entrée. Je lui ai demandé s’il savait pourquoi l’alarme sonnait encore, mais il était incapable de me répondre. En pleine crise d’asthme. Je pouvais pas rester sur place à cause de la frustration et de l’envie de peupi qui s’aggravaient dans mon dedans de fille écoeurée de toute (oui, même de faire peupi), faque je me suis dirigée vers chez Mathieu, en arrêtant au Jean Couteux pour lui acheter une potion rouge parce qu’il est malade. En chemin, un doberman est venu me lécher les genoux. J’ai même pas pris le temps de répondre à son accueil, trop pressée et fâchée. 

Je suis rentrée chez Mathieu sans trop faire de bruit. Il était au lit, réveillé. Je lui ai donné son remède. Je pensais lui avoir transmis mon rhume, mais ça doit bien faire deux jours qu’il est alité alors que moi j’ai juste morvé une journée et demi, alors je sais pas trop quel virus il a pogné. C’est rare que je le vois malade, je trouve ça quand même un peu inquiétant.

Là, je suis au parc. J’observe la faune. L’étchureux teigneux s’approche de moi. Il est intimidant, mais jamais autant que les écureuils du Yâwbe qui faisaient du vandalisme sur ma poubelle quand je suis arrivée à Québec. Les goélands ont l’air de brasser des affaires sérieuses. Maudit que je les aime, les goélands. Est-ce parce que la faune de Mourial est trop limitée? Non. Je les ai toujours aimé. Je me souviens de la fois où j’étais au Jardin zoologique de Québec avec ma classe de troisième année. Durant le dîner, qu’on prenait dehors assis sur le gazon, je mangeais ma tite samouiche frette tute écrapou par mon ice pack, pis je regardais le goéland qui me regardait. Il me fixait, je le fixais. Je voulais lui donner ma samouiche, mais je me suis fait dire que c’était cave de m’attarder sur un goéland alors que j’étais dans un zoo. Han? Rapport. Je le trouve beau, le goéland. Veux-tu que je retourne pleurer devant la cage ridiculement petite des grizzlis? Le goéland est beau, libre, il crie drôle, il a l’air doux. 

Je poursuis ma marche, gardant l’espoir que ma barre d’humeur va reverdir. J’arrête au guichet. Y’a un p’tit roux qui me fait du charme. Il baisse ses lunettes fumées en me faisant des sourires de p’tites dents pendant que sa mère fait ses transactions d’adulte plate. Je pense qu’il aime mes cheveux. Ça me fait sourire moi aussi, je sors de là en me disant que je suis en train de réussir ma mission, je suis déjà un peu plus légère. Au coin de rue suivant, un homme étrangle son chien avec sa laisse. Il lui parle sèchement, une grosse brute conne, il lui tire la peau du cou par secousses. Son chien a l’air hyper soumis. Il détourne le regarde, les yeux mi-clos, il reste immobile. C’est clairement pas la première fois qu’il se fait brasser comme ça. Me vient une image mentale de cet homme en train de se faire dévorer par une meute de hyènes. Les hyènes ont une mâchoire vraiment boucoup très très solide. Ça doit faire mal. Dans ma tête, le monsieur souffre beaucoup.



Mission échouée.