lundi 6 avril 2020

Sauce, moufette, angoisse, nostalgie, totons et graines

[Originalement publié le 4 avril 2020 sur mon Patreon.]

C’est bizarre. Je me sens coupable de m’en faire pour mes besoins relationnels et émotionnels, parce que je sais que la crise est plus grave et plus importante que mes petits besoins. Mais en même temps, j’ai pas le choix d’admettre que c’est ça les choses qui comptent le plus pour moi : mes proches, et mes relations avec eux. J’ai peur quand je pense aux dizaines de milliers de personnes inconnues qui vont mourir, j’ai peur de ce que sera le monde pendant et après tout ça. Mais j’ai peur aussi quand je pense à : je sais pas quand je reverrai ma blonde et tous les gens que j’aime. Je sais pas quand je vais fourrer (avec les gens que j’aime). Je grimpe les échelons de mon poste de bébé lala.
La journée était pas super, mais j’ai quand même relevé les choses positives qui sont arrivées. D’abord, la marche. Je compte ça pour une chose positive, parce que je sais toujours pas si on va bientôt perdre ce droit, et parce que ça me fait du bien mentalement et physiquement. Mais le meilleur moment, c’est quand je revenais pis que j’ai vu une moufette! Hiiiiii! Au début, j’ai remarqué de quoi de l’autre côté de la rue, sur le trottoir. Je sais pas pourquoi mais ça m’a fait penser à des jambes. Une paire de jambes croisées. J’ai pensé : ce serait drôle comme élément de déco, une paire de jambes. Ça me rappelle à la fois le clip de Kiss, de Art of Noise/Tom Jones, et celui de Rockit, de Herbie Hancock. Après j’ai pensé : ouais, très objectification de la femme. Ouais. Pis c’est là que j’ai vu que ça bougeait, que c’était loin d’être une paire de jambes. J’ai pensé à un chat, mais c’était une citoyenne un peu plus rare. J’aime tellement les moufettes en plus. J’ai tout de suite souri quand je l’ai vue en train de boire dans une flaque. Elle a levé la tête, m’a regardée, j’ai arrêté de bouger, elle a recommencé à boire, puis j’ai ouvert mon cell pour la photographier mais non estie mon cell a zéro place pour une seule photo de plus parce qu’il est loadé de graines pis de totons, bon, ça m’apprendra. Anyway. J’immortalise ici ma rencontre avec la moufette de pandémie. Ouf. J’ai peur de mourir. OMG j’espère que ce sera pas ça mes derniers écrits, la honte. C’est triste de mourir jeune, encore plus quand tu meurs dans la honte.
Ensuite, mon diner. J’avais faim quand je suis rentrée. J’ai souvent faim, mais j’arrive jamais à manger des portions normales, le cœur me lève vite. C’est comme une fausse faim? Juste wannabe faim. Parce que j’ai toujours pas perdu mon élan de vivre. Alors je mange, mais pas trop trop. Ou plus souvent. Ça complique le brossage des dents. Fuck, j’ai peur de manquer de pâte à dents, ma commande arrive juste lundi.
OK, je reviens à mon diner. J’ai fait un mac and cheese. La dernière fois que j’en ai fait un, j’étais toute contente parce que j’avais proposé à Doune d’aller lui en porter une portion à sa job parce qu’il avait oublié d’amener un lunch. Mais je sais pu quelle ossetie de crap que je regardais sur Facebook, pis la sauce a brulé. J’étais fru. Je me rappelle pas quelle marde je lui ai pognée à l’épicerie pour m’excuser, mais j’étais pas fière. J’ai raté mon mac and cheese seulement deux fois dans ma vie, ce qui est assez étonnant venant d’une incapable comme moi, et les deux fois c’était parce que je regardais de quoi sur Facebook. La fois d’avant, je regardais une vidéo drôle des collègues de Sam. Je les connais même pas, les collègues de Sam, mais j’étais assez captivée pour oublier que j’ai de la sauce qui cuit sur un rond. C’est que je trouve ça tellement PLATE cuisiner, je suis pas capable de me concentrer juste sur ça. Pis en ce moment, là, bin je trouve ça encore plus plate que d’habitude. J’aimerais ça faire comme mes ami·es qui expérimentent de nouveaux plats, ou qui se font de la bouffe réconfortante, mais moi ce qui me réconforterait, c’est pas des grands-pères au sirop ou des brownies, c’est un fucking vaccin contre la COVID-19. Je l’ai déjà dit ici, je préfère les gros plaisirs de la vie, eh. Mais je continue sur les petits plaisirs de la vie.
En tout cas, mon mac and cheese était bon parce que je l’ai pas raté cette fois. Ça a failli arriver. J’étais en train de parler avec Rita. J’ai décidé d’opter pour les messages vocaux, comme ça je pouvais rester au four et brasser ma sauce comme si ma vie en dépendait (j’étais semi-convaincue; ma vie a jamais dépendu d’aucune sauce). Rita me disait qu’elle avait vu une moufette une fois pis elle savait pas c’était quoi. WTF la France. Vous connaissez pas les moufettes? Ah oui, c’est vrai, vous appelez ça des putois. Eh boboy. Le mac and cheese était bon (recette de Jean-Philippe), j’en ai mangé un peu, après j’étais tannée. 
Ah oui, Régis m’a montré des photos d’un chat brun que je connais pas. Premier fou rire de la journée. Après le rire est venue beaucoup de tendresse pour ce chat inconnu. Je le regarde et je me dis : je lui ferais confiance. Ce chat est bon.
OH! Il est arrivé aussi des choses positives dans les derniers jours! Il est arrivé que le documentaire Montreal New Wave est accessible gratuitement jusqu’au 14 avril. Écoute ça, c’est full bon. Ça m’a encore plus donné hâte de retourner voir des shows, mais eh. Je pense que je vais dire « EH » souvent prochainement. J’en serais pas étonnée.
Autre affaire très nice : le film Le 20e siècle était offert gratuitement, alors j’en ai profité pour le revoir. Je l’avais vu au cinéma avec mon polycule en décembre dernier. La promo est finie, mais ça vaut la peine de payer 5 $ pour la location (ou 10 $ pour l’écouter à l’infini).
Tantôt, je transférais mes photos de mon cell pour faire de l’espace. Ça m’a fait sourire de revoir plein de souvenirs super récents. Je m’ennuie du mois dernier, tsé. Pis non, c’était pas juste des photos de totons pis de graines. J’exagère souvent, okay?
Hier soir, Doune m’a envoyé une photo de nous deux dans le cercueil du Cabaret Berlin, avec la mention GOTH AF. Ça m’a fait du bien de la regarder, parce que c’était un beau moment, mais j’avais un peu de peine : quand est-ce qu’on pourra retourner danser au Cabaret Berlin? Est-ce que ce sera même une chose possible? Je sais pas encore tout ce qu’on va perdre. Quand est-ce que je pourrai revoir Doune? Parce que ça, c’est sur que ça va exister encore après, han? Les ami·es, les relations, tout ça? Ouais, c’est ça qui se passe. Je suis nostalgique de beaucoup d’affaires, et je vis beaucoup d’angoisse. 

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