lundi 6 avril 2020

Pourquoi j’haïs les Doors

[Originalement publié le 7 mars 2020 sur mon Patreon.]

Petit cadeau pour mes patron·nes, un texte de Pèse su pause pis meurs (le fanzine bonus numérique de l’édition deluxe de Pèse su play pis meurs) dans lequel j’explique pourquoi les Doors et Jim Morrisson me tapent sur les nerfs. 

The Doors, The Doors (1967) 
Je suis allée au cégep un peu sur le tard, vers 24 ans, pour faire un DEC en roulage de fils qui m’est super utile aujourd’hui quand j’utilise des appareils électriques dotés d’un fil. J’étais la doyenne de mon programme, pis mettons que je m’en vantais pas trop. Durant la première année, un p’tit dude de 17 ans a pogné un genre de fascination pour moi, et ça s’est évidemment mal passé. On avait d’abord fait un travail d’équipe à trois pour un cours d’histoire de l’art, parce que j’avais pas encore d’ami·es de cégep, et à la session suivante, j’ai pas su lui dire non quand il m’a tussuite proposé qu’on fasse le travail de session ensemble pour notre cours sur le cinéma hollywoodien. À ses yeux, la Musique était constituée de trois groupes dignes de mention : les Doors, Pink Floyd, les Beatles (pis un peu Led Zep, des fois), et il arrêtait pas d’en parler, c’était fatigant. En plus, il se prenait pour Jim Morrisson, il portait même des PANTALONS BRUNS EN CUIR. Quand il a vu le film Into the Wild, il a voulu aller vivre dans le bois (et ça s’est mal passé ça aussi). Ossetie de hippie. 
Au début, je le trouvais un petit peu nono, mais je mettais ça sur le dos de son jeune âge. Après, j’ai pas eu le choix de me rendre à l’évidence : nos autres camarades de classe du même âge étaient jamais aussi caves que lui, c’était pas pantoute une question d’âge. Plus le temps passait, plus il me gossait. Il débarquait chez moi à l’improviste. Parce que oui, j’ai fait la gaffe de l’inviter chez moi pour regarder le film sur lequel on travaillait, et c’est pas mal à partir de là qu’il s’est permis de considérer mon studio comme une extension de son salon ou je sais pas quoi. En plus, il habitait dans mon quartier et il était ami avec le fils de mon voisin. Rien pour m’aider. J’ai commencé par prendre mes distances gentiment, mais je restais polie et je le saluais si on se croisait. C’est ce qui est arrivé un soir où je revenais du Drague avec Oli et Ringuette. On était dans le même bus, alors je lui ai dit salut, et le lendemain il m’a écrit pour dire que je me tenais avec une belle gang de tapettes. Il aimait ça parler contre mes ami·es et me dire que j’étais trop intelligente pour me tenir avec ce monde-là. Je sais pas pourquoi je l’ai salué ce soir-là. En fait, oui. C’est parce que c’est de même qu’on m’a élevée : sois polie et gentille, boude pas, reste sympathique. On m’a élevée comme une fille : évite les conflits, fais rien qui peut faire sortir un dude de ses gonds, ça pourrait être dangereux pour toi. Guess what: ça m’a pas toujours aidée. 
Quand je suis passée au niveau suivant de décâlisse de ma vie, j’ai fini par avoir la paix durant plusieurs mois. Je pensais qu’il avait compris, jusqu’à ce que je le croise le soir en sortant de la job : il revenait de passer l’été dans l’Ouest. Tabarnaque. J’ai pété une coche. Il a rien dit, planté devant moi avec son éternelle face de poisson mort, et je suis allée faire l’épicerie. Quand je suis sortie, il m’attendait, et il a pété une coche à son tour, en me suivant jusque chez moi. Là, je lui ai dit de pu jamais me contacter d’aucune manière : « Tu viens pas chez moi, tu m’appelles pas, tu me parles pas sur Facebook, tu me regardes pas si on se croise par hasard, t’arrêtes de me suivre à l’école alors que t’es barré du cégep, tu m’espionnes pas par mes fenêtres, pis tu m’écris pas un email avec ton sang — parce que t’es assez débile pour faire ça, toi, han? » 
Sous les conseils d’ami·es, j’ai fini par faire une plainte à la police, parce que je pensais naïvement que ça aiderait, mais lol. Non, pour vrai, c’est en quittant Québec que je m’en suis débarrassé. Ça fait neuf ans que je l’ai pas vu, et je fais encore des cauchemars dans lesquels je réussis jamais à le puncher dans la face ou à courir pour m’échapper de lui. À deux ou trois reprises, j’ai cru l’apercevoir, et je tripais pas pantoute. 
J’ai déjà été capable d’apprécier les Doors, mais maintenant, la seule toune des Doors que j’aime écouter, c’est Alabama Song, reprise pas Marilyn Manson. Mon stalker a gâché les Doors pour toujours. 


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