jeudi 26 juin 2014

Quarante-quatre respirations par minute au repos

Yé quatre heures du matin pis ça me fait chier de commencer ce texte comme une toune de Nuance. Je voulais me coucher à minuit, parce que je dors mal depuis des semaines, mais on dirait bien que c’est pas cette nuit que je vais régler ça. Je regarde Po. Je la flatte. Je l’écoute respirer. Micro-choc : elle peut mourir très bientôt. C’est dans le domaine du possible. Aujourd’hui, je discutais de la mort avec Annie. Elle est très inquiète pour sa Minnie, qui est malade depuis des semaines. Ça semble pas s’améliorer, et elle a très peur qu’elle meure. On le sait, il faut s’attendre à ça : tout le monde meurt. Et tout le monde peut mourir à tout moment. Mais quand ça devient trop concret, ça peut être badtrippant. J’expliquais à Annie que depuis que Po a été malade durant l’été 2012, j’ai eu du temps pour me faire à l’idée, me préparer à sa mort. Je me sens aujourd’hui plus sereine avec ça. Est-ce que je suis prête? Je pense pas, non. 

Cette nuit, je flatte Po, et je calcule sa fréquence respiratoire. Il faut que je me prépare : à partir de quand je pourrai juger que sa vie ne vaut plus la peine d’être vécue? Il n’y a pas de réponse à cette question.

Mes derniers mois avec Po ont été magiques. Tu trouves que j’exagère, avec mon adjectif bin trop plein de couleurs? Pas tant, non. Po a subi une mastectomie le 7 mars dernier, à l’âge de 18 ans et 10 mois. Elle aurait pu ne jamais se réveiller. Pas pour rien que j’ai tant hésité ici. Seize semaines plus tard — oui, j’ai décidé de compter en semaines, c’est plus réaliste — je peux dire que je ne regrette pas ma décision. Po s’est rétablie super vite. Fallait pas sous-estimer sa force! Hon, j’y pense. Peut-être que tu ne suis pas sa vie sur la page Facebook que je lui ai créée. Je te fais ici un résumé des événements dans l’ordre chronologique.

*

7 mars
À 8 h 04, j'entends Po galoper d'une pièce à l'autre comme une jeune pouliche fringuante. Je pense que c'est bon signe, non?

[En soirée]
Po est déjà de retour à la maison! L'opération s'est bien déroulée, et je suis extrêmement soulagée. En arrivant, elle est allée boire 300 litres d'eau (ou presque), puis elle a fait une mini tournée pour s'assurer que tout est OK dans sa maison. Elle a grimpée sur le lit sans problème, puis elle est venue se coucher contre moi... Je suis trop émue. Ma vieille Po. Elle est tellement forte. 
Merci à vous, amis et amies de Po. Vous êtes les meilleur-e-s.



9 mars
Aujourd'hui, j'ai vu des tas de gens au Salon du disque et des arts underground, mais une seule personne s'est présentée à ma table en me disant qu'elle venait POUR Po. J'étais touchée! Merci Mélissa.
Quand je suis revenue chez moi vers midi pour donner une dose de Metacam à Po, j’ai vu qu’elle avait mangé! Pis elle était bin contente de prendre sa médication (wtf, Po?). Je suis retournée au Salon l’esprit tranquille. Ma picouille prend du mieux.

Bonus : Mathieu me donne tous ses profits de Doctorak co!

Pendant que je suis au Salon, Mathieu me texte des nouvelles de Po : « La face dans le mou pis aweille donc. » AON.

La plus belle chatte bodypiercée du monde. 


11 mars
Po a recommencé à être gossante le matin. Rien ne pourrait me faire plus plaisir.


12 mars
Po bondit sur ma chaise tel un puma dans les Rocheuses.


13 mars
Po a reçu une carte de prompt rétablissement! *o*
Je suis tellement touchée... Avec un message farfelu et une motte d'argent pour payer des t-shirts et une partie de la facture de vet. Merci, mes chers Blais!  Broulx!



17 mars
Poème sale aime Po.

Je te mets au défi de faire un jeu de mots avec ça.


23 mars
Encore des bonnes nouvelles de Po : vendredi, son vétérinaire l'a débrochée! Il a constaté qu'elle a bien guéri, et il lui a enlevé son collier élisabéthain. ENFIN! Rendue à la maison, elle a bien sûr enlevé le petit bout de galle qui restait sur son front, mais c'est pas grave, parce qu'en-dessous, TOUT EST BEAU. Un petit spot sans poils mais bien cicatrisé. Son ventre aussi est très beau. Po est remise à neuf! Merci à Anick de nous avoir liftées et accompagnées. 

*

Après son débrochage, je suis partie en tournée gaspésienne avec Thieuse. Ça me brisait le coeur de me séparer d’elle, mais je la savais en sécurité, sous la garde de Frédéric, Francis et Annie-Claude, en plus du Ringuette au quotidien. Ils m’ont donné des nouvelles de Po, envoyé des photos, des vidéos. Sans eux, je n’aurais pas vu la Gaspésie (et je n’aurais pas fait la connaissance de Tue-Mouche, détails à venir).

Je pars pus jamais. Promis.


Les tumeurs de Po sont déjà de retour. Quoi, comment je peux dire que c’était une bonne idée de la faire opérer, alors? Parce que les quinze dernières semaines furent de très belles semaines. Et parce qu’elle en aura peut-être encore plein d’autres. Je peux dire qu’on a passé du beau temps ensemble, ma Po toute réparée pis moi. J’ai même l’impression qu’après sa convalescence, Po avait pris un p’tit coup de jeunesse. On aurait dit qu’elle avait 15 ans! À chaque matin, la plus belle chatte gériatrique du monde me poke la nuque jusqu’à ce que je me retourne vers elle, pour ensuite me miauler ça à deux pouces de la face. Haleine de poisson mort en prime. C’est merveilleux. Elle est fringante! Oh, ça a peut-être à voir avec ma fatigue, ce sommeil perturbé depuis tant de semaines… Anyway. C’est pas important, mon sommeil. J’ai toute la vie pour dormir.


Cette nuit, je regarde Po et je m’inquiète pour elle. Mais peut-être que demain tout ira bien. Qu’elle me fait une petite peur, parce que les vieux aiment ça nous faire un peu peur, de temps en temps, question de nous rappeler qu’on est tous des mortels. Une fois, François Blais m’a dit que « les grands-parents, c’est fait pour mourir ». Po est un peu une grand-moman, en quelque sorte. Mathieu, lui, m’a dit « on meurt pour laisser notre place à d’autres ». Ma tête est loadée de sages pensées, face à la mort. Je pense que je peux maintenant m’estimer sereine. Mais quand je pense à la mort de Po, mon coeur se déplogue de ma tête, et ça me remplit d’une grande tristesse.


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