dimanche 26 janvier 2014

La dépouille de Po

Je me demande ce que je vais faire avec le corps de Po. Ça peut sembler morbide ou grossier de penser à ça, mais c’est un tracas réel. Je vis en ville. Je peux pas enterrer un cadavre dans ma ruelle. Mes parents sont à la campagne, et comme me l’a fait remarquer Frédéric, Po retournerait d’où elle vient si je l’enterre là-bas. Mais on habite à 400 km du lieu de naissance de Po. Il faudrait donc que je trouve une manière rapide de me rendre chez mes parents dès que Po sera morte.

On y va en hélicoptère? On fait un cortège funèbre dans le ciel? On dit bonjour aux montagnes?

Mais en attendant le départ vers la Vallée du gouffre, je vais la mettre où, la dépouille? Je sais pas si je suis game de placer le corps de Po dans mon congélateur. Quand j’étais enfant, on avait un deuxième frigo au sous-sol, et le congélateur nous servait en quelque sorte de morgue pour nos petits animaux de compagnie. Souris, hamsters, lézards, oiseaux, y ont fait une transition avant d’être enterrés au cimetière d’animaux chez ma cousine Janie. Quand le p’tit Francis avait révélé ça à un de ses amis de la classe, je m’étais un peu fait écoeurer. J’étais apparemment morbide comme c’est pas possible. Mais c’est pas de ça que je veux parler. Ce que je veux dire, c’est que dans le temps, on avait un congélateur bonus. Maintenant, je n'en ai qu'un, et je suis pas sûre de vouloir placer Po à côté de mes sacs de légumes et mes muffins congelés. S’il fait encore froid, je pourrais la placer dehors près de ma porte, dans une boîte, mais j’ai peur de ce qui pourrait lui arriver. Si on m’a déjà volé un cadre de Jésus accoté à côté de ma porte, on peut auss bien partir avec le cadavre de ma chatte. Ça serait freak et frustrant, mais c'est un peu d'même qu'est le monde, non? Et là j'ai même pas encore parlé du problème de comment qu'on peut bin creuser un sol gelé. Fuck.

Pourquoi je me pose ces questions? Ne devrais-je pas plutôt m’inquiéter de ma Po bien vivante, ou de sa mort? Ça, j’y ai déjà pensé. Et j’ai pas pour autant cessé de m’inquiéter. Mais au moins, j’ai une idée de comment je voudrais que ça se passe.

Po n’en a plus pour longtemps. Son cancer progresse. L’une de ses tumeurs est bien ulcérée, et la plus grosse commence à le devenir aussi. Globalement, elle va bien. Elle mange chie dort pisse hurle à deux pouces de ma face le matin au beau milieu de ma nuit, elle galope comme une pouliche, elle attaque et tue des ficelles comme une vraie, elle ronronne sous mes draps et ça résonne dans les ressorts de mon matelas. Elle broulx et re-broulx. Mais le cancer est là, et pas sur le bord de prendre un break.

J’ai une idée de comment sa mort idéale pourrait se produire. Idéale pour vrai de vrai? Elle s’endormirait doucement pour ne jamais se réveiller. Pas de peur, pas de bobo. Son petit coeur qui prend sa retraite. Mais sa mort idéale réaliste, c’est l’euthanasie. Euthanasie dans le vrai sens du terme, on s’entend. Rien à voir avec les mass murders du Berger blanc. Je voudrais qu’elle meure chez nous, au Manoir deluxe, dans le plus grand confort possible. Dans mes bras, si ça lui tente. Mais pas dans la terreur, pas à l’hôpital vétérinaire, pas sur la table en stainless.


Tantôt, Mathieu m’a envoyé ce lien vers The Order of the Good Death (1). Essaie de lire ça sans pleurer. Caitlin Doughty raconte la mort de sa chatte, The Meow, qui avait un cancer mammaire comme Po. The Meow a connu, à mon avis, une fin paisible, exactement comme je le voudrais pour ma Po. Va lire ça, tu vas voir, c’est triste mais c’est surtout beau et lucide. Faut pas avoir peur de la mort. C’est ce que j’arrête pas de me dire, même si j’arrête pas non plus de vous dire d’arrêter de mourir, bande de câlicrismes.


(1) Je te préviens : on y voit des photos de chatte morte. Mais c'est pas gore. Juste mort. Et beau.

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