samedi 24 août 2013

Y pleut des chats

Je revenais de la poudignerie — avant j’appelais ça la fruiterie, mais Frédéric m’a dit que vu que j’allais là juste pour acheter des p’tits poudings de soya, je ferais mieux d'appeler ça la poudignerie — quand j’ai vu un chat tomber d’un arbre drette à côté de moi. Wow. Pendant une fraction de seconde, je trouvais que c’était un crisse de gros oiseau, mais c’était Nina, la petite chatte noire d'un voisin. Nina, je la flatte à chaque fois que je la croise. Et je dois dire que j’ai un parcours bien précis, que je choisis mes rues exprès pour croiser les chats que je connais. En allant à la poudignerie, j’avais croisé une chatte que j’ai flatté une fois auparavant, une magnifique tabby à bottes blanches. Méga slut. Elle se tortillait par terre, je pouvais pas arrêter de la flatter. Quand j’ai vu qu’un couple de seniors me regardaient de leur balcon avec un p’tit sourire, j’ai compris que c’était leur chatte. Greta. Astheure, je sais dans quel boutte je risque de croiser Greta, alors j’ajoute un nouveau X sur ma map mentale de folle aux chats.

J’ai bien sûr flatté Nina quand je l'ai reconnue. Elle était bin correcte, je pense que c’est une acrobate professionnelle. Juste avant, j’étais allée rencontrer les deux chats que je vais garder en fin de semaine. Je suis maintenant cat sitter, c'est pour ça. Charles m’a présenté le timide Nestor, qui était pas mal chic dans son habit de monsieur chic, mais qui persistait à rester dans son abri nucléaire sous le fauteuil blindé. Il a eu une enfance traumatisante, faut pas le juger. Mademoiselle Cunningham, pas besoin de la chercher, elle est partout en même temps. Elle est blanche comme une soutane, mais c’est la fille de Satan. C’est pas exactement les mots de Charles, mais en gros, il m’a dit qu’elle était démoniaque et totalement adorable. Je sais qu’il dit la vérité, et j’aime déjà ses deux chats. Mademoiselle Cunningham me rappelle La Fouine, mais sans l’obésité morbide, les scratchs au visage et le dardjére brun. J’ai pas mal hâte de jouer avec, et j’espère gagner l'amitié de Nestor.

Après avoir flatté Nina, je suis rentrée chez moi, j’ai fourré un blé d’Inde dans le micro-ondes — ris pas de moi, c’est le meilleur mode de cuisson pour le blé d’Inde en bâtons — pis j’ai sortie Po dehors. Elle voulait surveiller sa ruelle, parce que c’est important de faire ça régulièrement, c’est sa routine de chat, et avant même que mon premier épi ne soit cuit, je vais voir Po et je remarque qu’elle est toute raide, qu’elle fixe un ennemi. Je m’approche, et je vois que OMG c’est mon beau chat! Il a retrouvé ma maison et il est revenu! Hiiiiii! L’affaire, c’est que mercredi soir je suis sortie au Passeport avec Chogna pis Léa. En s’y rendant, on a trouvé un beau chat à tuxedo qui miaulait comme un perdu de l’autre côté de la rue, sur St-Denis. Moi, ça me fendait le coeur d’entendre ses cris de détresse, alors je voulais aller le voir, mais Léa disait qu’il faut faire confiance aux chats, que ce chat-là devait connaître son quartier, puis elle a dit « heille c’est peut-être Gastounet! » ça fait qu’on a traversé pour aller vérifier ça. Léa est quand même pas mal attentive aux avis de disparition féline, elle avait pris une photo de l’affiche de Gaston. Malheureusement, les taches ne correspondaient pas. C’était pas Gastounet. Mais c’est pas de sa faute, s’il n’est pas Gastounet. Faut pas le laisser à lui-même alors qu’il semble désorienté. Notre beau chat — on a fini par l’appeler Chawn Doulude, pour toutes ces raisons qui te viennent en tête si tu connais Shawn Cotton et/ou Sébastien Dulude — était très amical, il se laissait flatter le bedon sans préliminaires et ronronnait pas mal. Pendant qu’on l’admirait tout en se demandant comment l’aider, un couple de jeunes punks se sont joints à nous pour le flatter. Je leur ai demandé s’ils voulaient le déposer dans une ruelle plus tranquille, où il pourrait au moins se réfugier sous une galerie, mais Chawn n’a pas voulu, alors les gentils punks n’ont pas insisté. « J’aimerais ça le prendre avec moi, mais mes deux colocs sont allergiques. » Ah, faut jamais habiter avec des gens allergiques aux chats, voyons… Tss. En tout cas, Chogna, Léa pis moi on a continué notre chemin vers le Passeport, en espérant que Chawn soit retrouvé par ses humains ou retrouve lui-même la bonne porte. 

On s’est shaké la fesse en masse, pis en sortant on a jasé de chats avec deux inconnus. L’un d’eux vivait avec un main coon gériatrique de 18 ans. Aon! Comme Po! Aon, les chats. Ça rapproche les gens. J’ai soudain une pensé pour Chawn, je dis que j’espère qu’il va bien…

Sur le chemin du retour, Chawn nous attend dans le petit parc sur Rachel coin Berri. Je dis qu’il nous attend parce que des fois ça nous monte à la tête, les histoires de chats, mais c’était sûrement un gros hasard. Il a miaulé assez fort pour attirer notre attention, et là je suis tutémue de le revoir. On veut pas le perdre encore plus, mais il nous suit. On fait quoi? On va pas le laisser miauler tout seul et l'abandonner? Un double abandon, c'est chien! C’est là que Léa a un flash : aller lui chercher du bon manger à La Banquise. Pendant que Léa passe sa commande, Chogna pis moi on flatte le beau chat. Je peux pas le faire entrer chez moi, et c’est pas une heure appropriée pour chercher de l’aide. Léa revient avec des soucisses dans la sauce. Mmmm, viens manger le bon menoum de soucisses, beau chat! Il s’en câlisse. Meh. Comment ça tu veux pas manger, beau chat? T’es trop snob pour des soucisses de La Banquise? Bon. C’est peut-être un crisse de bourge. Pas grave, on l’aime pareil. Ah non, la police… « Y va pas nous donner un ticket parce qu’on s’assoit sur le trottoir, j’espère? » Léa le sait que les flics sont pas trustables. Par chance, on a affaire à un gentil policier pré-retraité qui semble assez détendu pour ne pas sentir le besoin de nous faire chier.

— Il vous veut quoi, le gars?
— Quel gars?
— Bin, j’ai remarqué qu’un gars vous regardait de l’autre bord de la rue.
— Ah. On n’a pas vu ça. On est trop déconcentrées par le chat. 
— Le chat?
— Oui, on a trouvé un chat. On essaie de l’aider.

Le flic s’en mêle pas et nous souhaite bonne chance. Fiou. J’aurais pas voulu aller en prison pour avoir donné un bout de soucisse à un chat. Bon bin viens-t’en avec nous, beau chat. Je vais au moins pouvoir te donner des croquettes (deluxe) et un collier de sauvetage. Mon collier de sauvetage, c’est un collier que j’ai acheté exprès pour les chats qui semblent perdus. J’y ai attaché un tube contenant mon adresse email, question d’avoir un suivi si le chat est ramassé par des humains. Pourquoi je l’avais pas sur moi? Parce que je suis pas encore une experte en rescue. Pas encore.

Léa nous quitte au parc La Fontaine pour récupérer sa monture et dormir chez elle. Le beau Chawn nous suit au trot et on voit bien qu’il est fatigué, il a la gueule ouverte. Chogna est très perturbée de le voir si désespéré de rentrer chez lui. Il arrête à chaque maison pour explorer, mais c’est jamais la bonne porte. Courage, mon minou. On va t’aider. Pourquoi les chats n’ont pas encore évolué pour apprendre à parler comme les humains? On aurait juste à lui demander c’est quoi ton adresse, on t’emmène en taxi, merci bonsoir. On n’est pas mieux, nous, on comprend pas toujours le langage félin. Ce que je saisis, en tant qu’Homo sapiens, c’est que j’ai devant moi une créature qui est angoissée, qui n’est pas du tout à l’aise où elle se trouve, et qui a hâte en crisse de rentrer chez elle.

Ah, mais un chat, ça peut survivre tusseul dehors, ça perd jamais ses instincts.

Des fois oui, des fois non. Chawn Doulude, il a tout juste l’instinct de pas se faire rouler dessur par les voitures. On le supervise, d’un coup qu’il comprendrait pas la différence entre rouge pis vert — est-ce que les chats distinguent ces deux couleurs? Il se met à grogner. Qu’est-ce que t’as, beau chat? T’es pas enragé, toujours? Oh. Un autre chat. Hum. On fait pas la guerre, OK? Chogna s’occupe d’éloigner le chat blanc tandis que j’incite notre minou chic à traverser la rue avec moi. Et hop. Un boulevard de franchi. Ah non, un autre chat. Putain. WOW. On dirait un savannah de taille réduite! Ça peut-tu être un bengal? Peu importe, ce chat a un collier, il a l’air précieux, alors soit il chille dans sa ruelle, soit ses humains sont déjà à sa recherche. Anyway, on peut pas tout faire, querisse. FUCK, un autre chat! Pis un autre? Ataboy… On est maintenant suivies par une meute de chats. Le bengal, un tabby avec collier et médaille, et un chat fantôme qui nous suit dans les buissons en miaulant. Bon, on sacre-tu notre camp avant que la guerre pogne?

On arrive chez moi, dans ma ruelle. Dans la ruelle de Po, pardon. Je cours chercher le collier de secours, et je le mets à Chawn Doulude. Je pars lui chercher à manger, et quand je reviens, Chogna me dit qu’il badtrippe, que la clochette le rend fou. Oh la la. Il se roule par terre en battant de la queue, je dois lui enlever ça au plus vite. J’arrache la clochette. Ça câlisse eurien. Il panique encore. Bon. Je peux pas le laisser errer seul dans la nuit avec un accessoire de torture. Je le libère. Je m’excuse, Chawn. Il refuse mon offre de croquettes et poursuis sa route en allant miauler ailleurs dans le quartier.

Ce soir-là, Chogna pis moi on se couche un peu tristes. On a eu du fonne au Passeport, mais un chat perdu, c’est pas drôle. Je l’ai pas trouvé ni sur Petluck ni sur Kijiji, ni au Berger blanc ni à la SPCA. Pas encore un autre chat jeté à la rue, j’espère?

J’ai placé des annonces un peu partout, alerté mon réseau de folles aux chats, et hier soir j’ai décidé d’aller farfouiller les ruelles avec Frédéric. Deux heures à marcher dans le quartier avec un sac de minouches. (Saveur de lait crémeux? Mais c’est juste loadé de farine de sous-produits de poulet, de maïs moulu et de graisses animales! Ça doit pas goûter la crème glacée, han.) Aucune trace de Chawn Beau Chat Doulude. On a quand même flatté Nina, et plus loin on a fait la connaissance d’un beau gros chat noir bien viandu (il aimait nos treats au lait crémeux), mais j’étais déçue de pas retracer mon chat perdu. Est-ce que j’ai mal agi? Aurais-je mieux fait d’appeler la SPCA? D’abord, est-ce que la SPCA est ouverte à 5 heures du matin? Est-ce qu’il serait encore plus traumatisé par une fourrière que par la  rue? Et je veux pas l’envoyer à l’abattoir… 

Tu comprends maintenant, chère lectrice, pourquoi j’étais si heureuse et touchée de le revoir dans ma ruelle? Là, il faut aider Chawn Doulude à retrouver son foyer et son véritable nom. Sinon, on lui trouve un vrai foyer aimant. Je veux qu’il soit aussi léger et insouciant que la petite Nina qui bondit des arbres.


Sur la photo d'origine, on voyait mes bobettes. Merci pour le rognage, Léa.






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