mercredi 18 avril 2012

À ne pas lire si t’es genre full pus capable d’entendre parler de la grève étudiante du câlisse


Je suis au parc Jeanne-Mance avec Alexie, Bock, leur Bibou, et Darnziak. Lors des deux dernières manifs, enfin, celles auxquelles on avait décidé de participer, on n’avait pas réussi à se retrouver, alors on est contents d’être ensemble. On est assis par terre. Le Bibou court dans tous les sens, il veut socialiser avec tout le monde. Il semble y avoir beaucoup de jeunes familles, et on est en plein sur le terrain de jeux des tininfints. William, un ami d’Alexie et Bock, nous rejoint avec sa petite fille dans sa poussette. Belle température, belle ambiance.

Au moment où commence le discours d’un représentant de la CLASSE —je sais plus c’est qui, mais c’était pas le charismatique Gabriel Nadeau-Dubois-épouse-moi— les flics en profitent pour beugler des menaces de faire attention pour pas pogner des tickets et rendre la manif illégale. On est supposé comprendre quoi? Eurien. J’ai pas trop su qu’est-ce qu’il fallait que j’évite de faire pour pas être prise pour une dangereuse terroriste, pis j’ai pas trop compris le début du discours. Anyway, d’après ce que Bock a entendu, c’était pas terrible.

Ma pancarte me vaut des sourires et des compliments. On la prend en photo.


« Quelle chatte? Heurh heurh! » Celle sur la pancarte! Hum, en fait, TUTES.

Ce fut un gros hit. Ça a valu la peine que je coure dans tous les sens pour imprimer et bricoler ça. Même si j’ai oublié ma clé USB avec plein d’affaires dedans au centre d’impressions.

Darnziak dit « heille, tchèque, c’est Manon Massé! », je me retourne et je la vois en vrai dans la vraie vie réelle et palpable. Han! Manon Massé est là! Hiiiiiiiiiiiiiiiii!

Je tweete à Mathieu : MANON MASSÉ EST LÀ! HIIIIIIIIIIII!

Je montre mon téléphone cellulaire à Darnziak, « t’as vraiment crié comme ça, t'as tweeté exactement ce que tu viens de dire! », il dit que c’est un authentique tweet.

Mathieu me répond : Si t’as une chance, fais autographier ta pancarte par Manon Massé!

J’aurais donc aimé ça, mais je l’ai pas revue. Par contre, j’ai vu passer Amir, et même habillé en beige il a l’air cool. J’ai encore jamais voté pour leur parti, mais là, heille, si je peux me trouver un appart dans la circonscription de Manon...

Darnziak pis moi on a spotté un enfant black metal, il crie dans la face de son ami avec une voix pas possible. Il semble possédé par le Yâwbe. On le trouve pas pire impressionnant, il nous fait bien rire. Le Bibou, lui, a trouvé une coccinelle, et il vient nous la montrer. Il a l’air super intéressé à comprendre sa constitution, alors il commence à la décortiquer, enlève un élytre, enlève une aile, un autre morceau, et rapidement, la bibitte est en miettes. Alexie est étonnée de le voir faire ça. Mais c’est pas de la vraie cruauté, c’est la curiosité de l’enfant. Je suis pas inquiète, je sais que ses parents vont lui montrer à ne pas faire de mal aux animaux, même aux plus petits.

La foule se déplace, on se décide à la rejoindre, drette dans la queue. On n’est pas trop bons pour évaluer une foule. Huit mille? Ça se pourrait. Plus tard, les médias parleront de 30 à 40 000 manifestants. 

J’ai pas trouvé de bâton à temps (et je dois dire que j’avais un peu peur que la police m’arrête pour possession d’arme), alors Darnziak m'aide à tenir ma pancarte. Un monsieur la photographie en riant, me dit que c’est la deuxième meilleure pancarte qu’il voit. Aon. C’était quoi, la meilleure? « Pour un printemps érable! » Quand même, Po arrive presque au top!

Mathieu : C’est tu vous autres qu’on entend passer au coin Sherbrooke et St-Denis?

Ayoye, on est juste devant le Port de tête! La foule est donc plus grosse qu’on le croyait. William et sa fille nous quittent, celle-ci a l’air fatiguée et impatiente. Mais c’est un bébé, alors on peut dire qu’elle a fait sa juste part en faisant un bout de chemin avec nous. On tourne sur St-Denis. Je regarde derrière moi, et je vois deux fillettes habillées en princesses, toutes en sourires, qui me fixent avec un p’tit air gêné. Leur maman me dit qu’elles aiment bin gros ma pancarte de chat. Aon. Po, l’idole des enfants.

Mathieu : T’es faite pour esspliquer aux enfants la beauté de la solidarité. Et de Po.

Un autre monsieur me parle de ma pancarte (ça n’arrête pas!) : « Pourquoi elle n’est pas ici avec nous? » Po ne peut pas manifester avec nous, c’est une chatte gériatrique! « Mais elle est avec nous en pensées! » Oh oui!

Je m'en gratte le dedans d'oreille.


En fait, non. Po s’en câlisse. Elle devait somnoler à ce moment-là, un peu comme le Bibou qui cogne des clous dans sa poussette.

Juste derrière nous, un jeune homme crie des slogans dans un porte-voix. Il a manifestement le goût de rire et de faire rire, puisqu’il se met à marmonner des phrases incompréhensibles. Des phrases full mongoles sur un ton punché, qui se terminent par des cris de joie de la foule qui l’entoure. « Frrgn gnnrrrh frrr thrrrrru, durh durh. Fweighrrrh cnivv gnewr dreeeigh fla, fwawei, CAPOUEIH! » OUÉÉÉÉÉÉÉ! Pareil comme le tome 7 de Pérusse. Mathieu aurait tant ri.

On s’arrête à la bibli. Tout le monde veut faire pipi sauf moi, alors je les attends dehors. J’ai droit à plusieurs sourires et commentaires concernant ma pancarte, jusqu'à ce que deux madames du troisième âge s’approchent. L’une d’elle lit, puis dit : « Ah mais moi je suis pour la hausse! » Oh, vous n’êtes donc pas d’accord avec mon chat! « JE suis allée à l’université, et j’ai payé pour. Et dans mon temps, c’était plus cher. » Arguments implacables. Dans son temps, c’était plus cher, elle a payé ses études, il n’y a donc aucune raison pour que ça change. Je garde mon sourire, parce que je suis bin trop de bonne humeur, assez pour qu’une parvenue ne parvienne pas à me fâcher, et je lui dis « c’est bien pour vous, madame! », juste ça, avec un sourire poli. Les copinots sortent alors de la bibliothèque, et on décide de se diriger vers le parc Émilie-Gamelin pour s’assoir un peu. 

Rendue là, j’ai pas envie de m’assoir sur les cubes parce que j’aime pas ça, les coulisses de pipi qu’il y a dessur. Le Bibou sort de sa poussette pour dépenser son énergie toute neuve. Il trouve des seringues par terre. Not funny. Un vieux punk s’approche de moi, m’explique qu’il aimerait ça que je pose avec ma pancarte de chatte pis un de ses chums. J’haïs ça me faire poser, mais je dis OK, c’est correct. Le monsieur est bin content de poser avec une étudiante, pis ses chums trouvent ça bin bin drôle. Je me sens tellement concernée par la cause que ça me passe pas par la tête de leur dire que je suis même pas étudiante. Un autre monsieur d'une autre gang vient flatter Po et fait un grand sourire avec pas de dents. Il bozze fort. Je le trouve sympathie, ça me fait rire avec mes dents.

Bock, Alexie et leur Bibou prennent le métro pour rentrer à la maison. Darnziak va marcher avec moi jusqu'à mon appart, il a une soirée tout près de chez moi, avec ses amis darques. On passe devant le cégep du Vieux-Montréal, et je remarque un goéland qui semble en piteux état. Il y a une gang de jeunes juste à côté. Je demande « hon, l’oiseau est brisé? », toute inquiète, mais ils savent pas ce qu’il a. Son aile gauche est toute pétée, pendouillante, saignante. Ça me brise le coeur, et je me sens impuissante. J’accepte aucune injustice. 

Je dois avouer que je me suis un peu méfié de ces jeunes. Je me suis demandé si c’était pas eux qui avaient blessé ce pauvre animal, parce que je le sais bien que plein de gens détestent les goélands et les pigeons, ces « rats du ciel », mais moi je les aime gros, les goualands, autant que les colibris, les aigles, les macareux pis les poules, comme tous les animaux, en fait. Mais ces jeunes-là, ils avaient un peu passé l’âge de la curiosité de l'enfant, ils étaient en plein dans l'âge de la cruauté. Je me suis aussi demandé à quel âge on était supposé en sortir.

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