jeudi 11 juillet 2019

Notre virée su Canadian Tire

Après une journée d’oisiveté avec Régis, il était temps que je m’active un peu et que je m’attaque à ma liste de tâches qui trainent depuis trop longtemps. Aujourd’hui, je magasine dans un Canadian Tire de banlieue avec Alexandre, et je pense que je suis aussi fébrile que les Chick’n Swell avant d’aller à Victo.

À 13 h 17, Alexandre m’écrit : « Solange! Es-tu réveillée? » Aucune idée de quoi il parle. « Connais-tu les Secrétaires volantes? C’est un band de Québec! » Je les connais juste de nom. Je me souviens que ma sœur pis son chum avaient sous-loué l’appartement du bassiste en haute-ville un peu avant d’engendrer mon neveu. C’est tout ce que j’ai à dire sur les Secrétaires volantes malheureusement. Pour la route, Alexandre aura prévu une playlist en conséquence pour remédier à ça, heureusement.

Il avait réservé une Communauto pour l’occasion, sa Miata étant trop petite pour embarquer le gros bac roulant anthracite que je convoite depuis le vol de ma dernière poubelle le 17 mars 2019. Oui, j’ai un problème de vols de poubelles et c’est à la fois extrêmement frustrant et très niaiseux. Mais c’est pas de ça que je veux parler. Non, aujourd’hui, je raconte

NOTRE VIRÉE SU CANADIAN TIRE




Alexandre m’attend dans le char. À ce stade de l’histoire, on sait toujours pas si on s’en va au Canadian Tire de Laval ou de Rivière-des-Prairies. C’est les deux succursales qui sont censées avoir en stock le modèle que j’ai choisi. Mais on a le temps d’y penser, parce qu’on s’en va d’abord au Café Dei Campi. C’est ma place préférée pour manger! Tout est bon là-bas, et je suis un peu en amour avec les pizzettes. Des fois, je rêve que je mange des pizzettes, et je me réveille toujours un petit peu déçue. J’y pense : presque toutes les fois où je vois Alexandre, on va au Dei Campi, ne serait-ce que pour ramasser de la bouffe. La première fois que je l’ai rencontré, c’était justement là. C’était ma première fois au Dei Campi, on allait déjeuner avec Élise. Je dis « on », mais je pense qu’Élise était rendue à son souper. On vit pas dans le même fuseau horaire biologique. Genre, Élise peut se lever, me dire « bon matin! », pis moi je m’en vais me coucher. Sans exagérer. 

En tout cas, cette fois, on arrive au Dei Campi alors que j’y suis pas préparée. Je me suis bourrée de muffins aux bleuets — attention, maintenant je cuisine —, je savais pas qu’on allait là, alors que pour Alexandre c’est une étape qui va de soi, mais je peux rien avaler de plus, donc je prends un biscuit pour plus tard. « Leur recette de biscuits est-tu dans le livre d’Élise? » Oh que j’aurais aimé ça!

Je me dis que ça se pourrait bien que les stocks indiqués sur le site ne soient pas exacts. Prenons pas de risque et appelons. Aucun choix du menu mène au département des poubelles, alors je choisis « Service à la clientèle ». La dame qui me répond me transfère « au bon département ». C’était quoi le bon choix du menu, au fait? « Produits ménagers ». D’accord, merci. (Alexandre et moi on se regarde. Y’avait pas l’option « Produits ménagers », han? Non.) Ça répond « Allo? ». Suis-je toujours su Canadian Tire? Je dis à la dame que je voudrais vérifier s’ils ont bien en stock l’article que j’ai vu sur leur site internet (j’ai vraiment dit « site internet » et je me suis jugée moi-même d’avoir dit ça), je donne le numéro d’article, mais la dame me dit qu’elle doit raccrocher pour vérifier. « Pouvez-vous me rappeler? » Ah… Euh, oui? Bien sûr. Quel drôle de système. Si tu veux me parler, envoie-moi un FAX.

Voici ma poubelle de rêve.

Je vais évidemment oublier de la rappeler parce qu’on arrive au Dei Campi, pis on va vivre dangereusement et se rendre direct à la succursale de Laval sans vérifier si ma poubelle anthracite m’attend pour de vrai.

Alexandre a même pas besoin du GPS. C’est comme full instinctif chez lui, il roule jusqu’à Laval comme un charme, il prend même la bonne sortie pour nous emmener au village des magasins. Le village des magasins, c’est comme un centre d’achats à ciel ouvert, sauf qu’au lieu de te déplacer d’un magasin à l’autre en marchant, tu prends ton char, pis au lieu d’avoir des aires de repos et de restauration, t’as des parkings, beaucoup de parkings. Reste pas là trop longtemps au soleil.

On hésite à aller voir su Walmart. D’un coup qu’ils auraient des poubelles au meilleur plus bas prix? Mais ça dépasse les limites de mon anticapitalisme (lol). « En plus, Canadian Tire, c’est canadien! » Voilà de quoi me rassurer dans mon choix de consommatrice, Alexandre. Allons acheter local, go!

Juste avant qu’on pénètre dans le temple, je ralentis un peu devant les plantes. J’aime tellement ça, les plantes. Mais pourquoi j’arrive pas à les garder en vie? Euh… Eux autres non plus, on dirait. Sont toutes jaunes et fripées. Ces plantes-là ont l’air de souffrir. J’imagine que c’est ce genre d’images qu’ont en tête les carnistes qui disent que c’est cave de pas manger d’animaux parce que les plantes souffrent aussi.

Okay, on entre. C’est immense. Ça nous prendrait une carte. Ou peut-être qu’on devrait se servir de Google Maps? Quoique, Alexandre a l’air d’avoir un crisse de bon sens de l’orientation. On va aussi demander de l’aide à pas mal tous les commis qu’on va croiser. Expérience client totale.

Pendant qu’on se dirige vers la rangée des poubelles, on entend à l’interphone une commis qui annonce un évènement important : dans un instant, elle va donner un produit gratuit aux clients qui voudront bien se pointer au bout de la rangée 93, et ce sera leur seule chance d’obtenir ce produit gratuit bien mystérieux. Ça marche un peu leur affaire, parce que je peux pas m’empêcher d’être intriguée…

Ah! La voilà. Ma poubelle roulante anthracite. Il y a trois exemplaires, tous empilés sur une étagère inaccessible. Je lève les bras vers elle, Alexandre dit : « Viens dans les bras à maman. » C’est le temps de déranger un autre commis.

Il arrive pas à descendre les gros bacs. Sont jammés, et à bout de bras, ça a l’air lourd à pogner. Il s’étire au bout de son escabeau, et on est tentés de l’aider, mais Alexandre lui fait sagement remarquer : « Ton assurance couvre pas mes blessures. » Je vais chercher une autre commis. À deux, ça roule. Ça roule, mais le couvercle de mon bac ferme pas! Oh no. Est-ce que je peux en avoir un autre? Svp? 

On a choisi le filtre « Pépites ». L’aimes-tu?

Voilà. J’ai ma poubelle. Je suis en possession de mon beau bac roulant anthracite — reste à payer, quand même. Et je veux que ce soit ma dernière poubelle à vie, je veux plus jamais dépenser d’argent pour une querisse de poubelle. C’est ce qui nous amène ensuite au département de la peinture.

Avec de la peinture en canne, je vais écrire mon adresse sur le bac. Mais quelle peinture choisir? Alexandre me fait remarquer que c’est de la peinture à char qu’on est en train de regarder. Il passera un bon cinq minutes à regarder les crayons à touch-up pour sa Miata. Je dérange un autre commis. 

Bon. C’est dans ce mur des canettes de peinture que je vais trouver ce qu’il me faut. Mais laquelle? Le commis sait pas trop lesquelles de ces peintures adhèrent au plastique. Il va m’envoyer quelqu’un d’autre. C’est finalement un client qui va nous dire quoi acheter. Merci monsieur! 

Maintenant, ça me prend une chaine pour sécuriser ma poubelle de luxe. Nouveau commis à déranger.

— Ah, il nous reste pus de chaine au pied. Va falloir t’ailles chez Patrick Morin pour ça.
— Okay. C’est qui, lui?
— Bin, euh, c’est une quincaillerie, c’est juste à côté.

Okay, j’irai à mon Rona de quartier. On n’a pas prévu faire une tournée du village de magasins.

Finalement, Alexandre a trouvé c’était quoi le produit gratuit en farfouillant dans les rangées. « Un nettoyant miraculeux! » Oh shit. Avec une démonstration en plus. Dire qu’on a raté ça…

Bon, est-ce que j’achète un ti-casse? J’ai peur d’avoir un accident de Bixi et que mon crâne soit écrapou comme un Whippet. Alexandre prolonge la location de Communauto, mais on finit par décider que c’est peut-être pas le meilleur moment ni la place pour magasiner mon casque de vélo.

Alexandre s’arrête devant un aspirateur à 700 $. Il a l’air de bien connaitre ça, parce qu’il l’appelle « mon beau Dyson ». Moi, je trouve qu’il ressemble pas mal à celui de mon ex, pis la moitié du temps, on pouvait pas s’en servir parce qu’il fallait le charger pis ça me fâchait. Fuck off. Pis hey, pour la moitié du prix, t’as un Roomba d’entrée de gamme qui va faire le ménage tout seul, pis ton chat va avoir du fonne. 

Même affaire pour le projecteur cheap. « Ça pourrait-tu être pratique pour faire notre visionnement des Voisins avec ton polycule? » Oui, mais mon polycule a un super grand sous-sol frais avec un projecteur, on devrait plutôt s’inviter là. Sinon, j’ai maintenant une télé. Pis un manné, je vais bien finir par trouver des divans (une autre affaire sur ma liste).

Oh ho. La commis annonce qu’il y aura une autre démonstration avec LE PRODUIT GRATUIT. On y va-tu? Je fais attention aux folies dans les dépenses, mais pour les produits gratuits? Hiiiiiii!

Arrivés au bout de la rangée 93, y’a personne. On voit le stand où aura lieu la démonstration, avec un bout de plancher en céramique prêt à être sali puis nettoyé de façon complètement inédite. Ossetie, ça va être gênant d’assister seuls à la démo. On décide d’aller un peu plus loin pour scèner discrètement. On n’aura pas de produit gratuit, mais on aura vécu la chose. 

Finalement, ça a l’air plate et un peu sectaire, et ça commence à être l’heure de retourner dans la métropole. Comme on passe dans l’aire des instruments de cuisine, que je suis en train d’apprendre à cuisiner, et que je pourrais procéder par mimétisme et refaire la recette coréenne qu’Archie m’a montrée l’autre jour, je demande à Alexandre s’il s’y connait en matière de poêles. « Non. On a déjà eu cette discussion-là. » Quoi? On a eu une discussion sur les poêles? À au moins deux reprises Alexandre me dira « on a déjà eu cette discussion-là ». J’ai plein de questions, dont : On est-tu rendus des spécialistes de magasiner su Canadian Tire? Ma mémoire est-elle si pourrie que ça?

Avant d’arriver aux caisses, on tombe dans les livres. « Penses-tu que le livre d’Élise est là? » Huuu, on dirait plutôt des livres qui ont échappé de justesse au pilon. On n’a pas trouvé le livre d’Élise, mais on a vu des livres de cuisine végétarienne et même de cuisine flexitarienne. Si j’ai bien compris, c’est un livre qui te dit que tu peux cuisiner chaque recette avec ou sans viande. K, cool. Alexandre prend un Guide de l’auto pour son « neveu qui aime bin ça lire ça ». Je sais toujours pas si c’est vraiment son neveu qui va le lire.

La caissière me dit qu’elle aime mon look. Aon. Est fine. Elle venait aussi de me demander si elle pouvait regarder dans la poubelle, d’un coup qu’on aurait caché quelque chose dedans, ou mieux, quelqu’un. Le coup de la poubelle, c’est pas une bonne manière de voler du stock su Canadian Tire, sache-le.

Le GPS biologique d’Alexandre est peut-être pas si parfait, au fond. En sortant du village des magasins, on se ramasse vite dans un rang avec des vieilles maisons. Je me dis que c’est donc bin la place parfaite où habiter à Laval. T’as l’impression d’être loin à la campagne, mais non, t’es drette à côté de toutes les tentations du capitalisme. Sauf que c’est pas là qu’on veut habiter right now, ça fait qu’on se rabat sur Google Maps pour retrouver la grand-ville.


Sur le chemin du retour, on a écouté Solange attentivement, et on a parlé de nos chats morts et de nos chats vivants, et quand je suis rentrée je regrettais pas d’avoir acheté un biscuit. Et qui aurait cru que ça ferait autant de bien à mon moral de plus avoir à garder mes vidanges dans mon salon?

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