vendredi 24 juillet 2020

La nostalgie des choses laides

L’autre jour j’ai dit sur Instagram que je venais de passer trois mois à Varennes, mais c’est faux, j’y suis restée juste deux mois. J’imagine que ça m’a paru plus long. C’était une expérience spéciale. J’ai trouvé que la ville du bonheur était fucking plate mais le condo de ma sœur était super confortable (et climatisé). Pour vrai je me suis fait chier, surtout le premier mois, où j’étais isolée de mon réseau, mises à part les visites d’Alexandre et Christophe. Mais j’avais mes chats. Et pendant ce premier mois en banlieue où je souffrais de solitude et de dépression et de désespoir face à mon/l’avenir, j’ai pensé : check bin si je vais pas un jour être nostalgique de ma période Varennes. Parce que je sais que j’ai tendance à embellir le passé, à retenir surtout les belles choses. Je le sais parce que ça m’arrive de repenser à certains moments de 2012 avec nostalgie alors que sais, rationnellement, que c’était une année de cul.


Cette faculté — on va appeler ça une faculté et non un défaut — m’aide assurément à garder le moral, autrement, si j’en étais pas dotée, je regarderais ma vie avec dégout et mépris et j’aurais pu envie de continuer. 


Mais je continue! Oh, la vie se passe! J’ai pas beaucoup écrit ici mais la vie se passe pareil. Je suis revenue à Montréal le 6 juillet, j’habite dans l’atelier de Doctorak! Je prends ses commandes de t-shirts et de masques pendant qu’il est en vacances en région. J’aime ça! J’avais envie d’un peu de travail manuel, c’est cool. 


Mes chats aussi ont l’air d’aimer vivre chez Thieuse : les bruits de robot de la découpeuse à vinyle les intriguent; grimper sur le lit mezzanine est une belle activité de chats excités; et ils n’ont pas encore eu de face-à-face avec les chats des voisin·es par la fenêtre de la cuisine (j’anticipe ce moment). 


Ringuette me cède son appart pour septembre. Thieuse va revenir chez lui vers la mi-aout, alors ça se pourrait bien que je retourne à Varennes avant de pouvoir enfin être chez moi.


C’est bizarre de pas avoir de chez-moi depuis trois mois. C’est pas grand-chose, trois mois. Je pense à Vickie et ses nombreux déménagements. Quand je l’ai connue, je crois que toutes ses possessions entraient dans une valise. Elle habitait à plusieurs endroits à la fois, dans plusieurs villes, même. Souvent chez Pepa, parfois chez moi. Je me demande comment elle vivait cette mobilité.


Je tends à m’attacher aux lieux que j’habite. Et c’est très important pour moi de me sentir en sécurité où je vis. Je sais pas si j’habite les lieux où je vis depuis trois mois, mais je remarque une chose : mes chats me suivent, et je crois qu’ils m’aident à me sentir chez moi partout. 


L’appart de Thieuse est quand même un lieu familier pour moi. Pendant six ans, j’ai eu peur de tomber du lit en dormant. Une chute de cinq pieds, ça doit être dangereux, que je me disais. Je le pense encore. Et j’y ai pensé le premier soir où je me suis couchée, après notre arrivée. J’ai grimpé l’échelle, je me suis demandé comment mes chats allaient m’y rejoindre, si je devais pas déplacer un meuble pour leur faire comme une marche, et ça a pas pris trois minutes pour que je voie les pattes de Whitney qui s’agrippent au pied du lit : elle avait trouvé l’échelle. Frédéric-Démon l’a suivie en deux ou trois bonds. 


Après, j’ai pensé : comment vont-ils redescendre? Est-ce qu’ils risquent de tomber en dormant? On a fini par s’endormir tous les trois, et je me suis fait réveiller par le bruit des griffes de Démon plantées dans le matelas. J’ouvre les yeux, je vois sa face de Rambo qui veut pas tomber dans la falaise. OMG. On a eu peur, mais je l’ai aidé à remonter. Je pense qu’il a tout oublié parce qu’il dort encore sur le bord du lit et ça me stresse. 


Je suis donc sans domicile fixe pour encore quelques semaines, mais ça achève. Oh, je pourrais aussi dire que je suis en résidence de création pour moins me sentir poche, mais ce serait un gros mensonge. J’ai plein de projets, j’ai envie de faire des choses, mais l’anxiété, la colère et la dépression me paralysent, ça fait que la création, ça marche pas fort. La vague de dénonciations d’agressions sexuelles me rentre dedans. Le 13 juillet, j’ai écrit : « Je suis tellement cernée que je reconnais pu ma face. » Dix jours plus tard, les cernes sont encore là. Je vais peut-être devoir m’habituer à ma nouvelle face. (Je me suis jamais habituée à ma face d’avant.)


Mon prochain loyer va me couter plus cher et j’ai presque plus de contrats, je dois trouver de nouvelles sources de revenus. Je vais rouvrir ma boutique Etsy, je suis dedans pour faire des t-shirts pis toute, même si je file pas trop autopromo. Mais c’est roffe en ce moment d’être dedans pour kekchose, je trouve. Tout est roffe en cette année de cul. Hey, j’ai hâte d’être nostalgique de 2020, hi hi.

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