vendredi 12 août 2016

Les estie de graines

Mon médecin m’a dit qu’avoir un revenu stable ça vaudrait bien les 10 mg de citalopram qu’il me prescrit. Je lui ai demandé s’il pouvait me prescrire de l’argent. Il a dit non. J’ai pris le citalopram. Mon médecin m’a parlé de son projet. Il dit qu’il n’a pas besoin de travailler à temps plein, mais qu’il a un projet, et c’est ça qui le motive à travailler. Je sais pas c’est quoi son projet, mais il m’en a parlé.
Mon médecin m’a aussi dit qu’il m’admirait. Je me souviens pas des mots qu’il a employés, mais je pense qu’il voulait dire que j’allais beaucoup mieux qu’avant, que j’étais forte. 

Ce soir, je travaillais au lieu d’aller voir la projection du film de Magenta. Ça fait trois fois que je le rate. Je suis sortie m’acheter de la bouffe, je me suis payé une pause de luxe. J’aime vraiment les soirs de canicules, je pourrais marcher dehors durant des heures, ou faire du vélo dans les rues presque désertes. Mais il était pas si tard, il y avait encore des humains en activité dehors. J’ai traversé une rue pas déserte, devant un truck qui attendait à un feu rouge. Les trois truckers écoutaient de la musique de club en dansant, et ils m’ont abondamment catcallée. J’ai traversé la rue tranquillement, en les fixant avec un air de mépris blasé. J’ai pas compris tout ce qu’ils disaient — tsé, pourquoi vous parlez tous en même temps? C’est sûrement pas pour vous faire comprendre, hein —, mais j’ai entendu « pas rasée » avant qu’ils ne s’éloignent. Man. Si t’es capable, dans la pénombre, pendant que je marche, de voir que je me suis pas rasé les jambes depuis des semaines, je suis un peu jalouse de ta vision de hibou. Je pense pas qu’il parlait de mes jambes. Je suis pas jalouse de toi une estie de seconde. Grosse vidange. 

Je me suis acheté de quoi Aux Vivres, mais pas de la bouffe de graines, puis j’ai décidé d’arrêter à picerie pour trouver de quoi à boire (j’haïs ça l’estie de kombucha). En stationnant mon Bixi, un jeune gentleman m’a offert de me violer. 

« T’es sûre? »

Je suis sûre, oui. Vous êtes pas drôles, les dudes. Je connais personne qui les trouve drôles, vos jokes de viol pis vos photos de graines (OK, oui, des fois on rit de vos graines, mais c’est quand même pas drôle). Pis je le sais que vous me cruisez pas. Mais je suis forte, tsé. Pis je prends mes médicaments. Mais un manné, vous allez voir, nous les féminazis, on va tous vous transformer en petits lapins. Comme ça, vous serez inoffensifs et enfin aimés. Vous allez pas nous agresser, et on va vous cajoler. C’est ça qui va arriver. 


En attendant, je pope mon citalopram avec mon jus d’orange Irrésistibles extra pulpe pis je continue de m’endetter. Mes chats m’encouragent. C’est ça qui se passe.

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