lundi 6 avril 2020

Un gothique cloitrée

Hier soir je parlais avec Boubeur, j’étais super déprimée pis je lui disais que j’avais même pu envie de lire mes messages pis que je me demandais si ça me ferait pas du bien de pu parler à personne pendant quelques jours. Il m’a dit qu’il faisait ça parfois, ou qu’il diminuait le nombre de personnes avec qui il échange. 
Il m’a aussi dit que dans le temps qu’il était alcoolique, il faisait comme Bukowski : il pouvait virer une brosse de trois jours à juste dormir pis boire. J’ai dit ouin ce serait un peu cave que je devienne alcoolique à 36 ans, en pleine pandémie. Bravo la gougoune, un autre enjeu. Il a ri. Je sais que c’est pas ça qu’il voulait dire, mais je voulais juste le faire rire. Chu fucking drôle, même en pleine pandémie.
Ça m’a donné envie de prendre un break de réseaux sociaux au moins pour un jour. Ça a l’air de rien, mais moi je passe mes journées entre Facebook, Instagram, Messenger, Discord pis parfois même Twitter. Je lâche jamais Messenger, je suis constamment en contact avec mes ami·es, pis ça c’est juste en temps normal, fait qu’imagine en temps de confinement où j’ai zéro contact humain IRL. Alors j’ai dit okay Boubeur, j’ouvre pu les RS, je réponds même pas au téléphone — j’ai jamais envie de répondre au téléphone en temps normal —, je vais juste peut-être te parler à toi pis à Claudine. 
Claudine m’a justement écrit à 4 h du matin pis on s’est texté pendant 1 h 30. C’est pas pantoute son horaire habituel, mais hey, y’a rien d’habituel en ce moment. Ça m’a fait du bien de lui parler. On s’ennuie l’une de l’autre. En temps normal, Claudine fait les câlins les plus puissants. Je pense qu’elle va me broyer les os quand on pourra enfin se faire un câlin. J’espère qu’on pourra au moins faire des marches ensemble prochainement, à quatre mètres de distance et en portant un masque. Je lui ai envoyé une photo de mes deux chats couchés sur moi en même temps (c’est devenu rare). Claudine s’ennuie aussi de mes chats. 
Quand je me suis levée aujourd’hui, j’ai mangé pis j’ai lu ce texte. Je sais qu’il y a beaucoup de textes intéressants ou pertinents à lire en ce moment, et bien sûr j’arrive pas à tout suivre parce que ma concentration est très déficiente, mais celui-ci est assez court, bien écrit, et je crois qu’il mérite d’être lu et partagé. Parce que non, rien de tout ça n’est normal, et il faut que j’arrête de m’en vouloir de ne pas agir ou réagir normalement right now. Je passe une fin de semaine de marde, je vis des émotions pas le fonne, et dans ma vie je me suis très souvent sentie coupable de vivre des émotions que j’étais pas en droit de ressentir (ayoye, j’ai des enjeux). Là, j’arrête de me mettre de la pression pour travailler, pour achever des projets commencés et jamais finis, pour apprendre de nouvelles choses, pour réparer les vêtements à réparer qui s’empilent à côté de ma machine à coudre, pour cuisiner comme une pauvre mais une pauvre astucieuse, et j’essaie également de pas me mettre de la pression pour être 100 % du temps disponible pour mes ami·es. C’est dur parce que j’arrête pas de me répéter que ce qui va nous sauver, c’est pas le survivalisme mais le sens de la communauté. J’y crois toujours. Mais j’essaie de me donner le droit de m’enfermer dans mon appartement-cercueil, des fois, et de rester silencieuse, à juste m’occuper de moi, à gérer mes petites émotions normales. Une gothique cloitrée. 
Keep busy when you must, but also don’t be afraid to sit with how you’re feeling and accept it. Accept it unconditionally. Accept your anger and sadness, accept your delirium, allow yourself the time to drift and to fail. Also accept any joy you feel, and do so without guilt.
Je me sens coupable de pas avoir écrit à Rita aujourd’hui; je me sens coupable de pas avoir prévenu mes ami·es que j’avais besoin de prendre mes distances juste un peu; j’accueille mon sentiment de culpabilité. J’accueille aussi ma tristesse et mon sentiment de deuil. Je pleure pas souvent en regardant des films, mais hier j’ai fini la saison 6 de BoJack Horseman, j’ai pleuré comme une estie. Quelle belle et bonne série. Je vais rien rajouter pour pas divulgâcher.
J’arrive encore à faire mes exercices chaque jour. Peu importe mon état physique ou mental, faut que je demeure douchebag. Peu importe l’état du monde, je vais y faire face avec mes MUSCLES. Marcher me calme les nerfs. Il y a beaucoup de polices. Marcher me rend fâchée et agressive, aussi. J’accueille ma colère. J’accueille mon agressivité. J’accueille tellement d’affaires, là, ouf. Chu Louise Deschâtelets dans Chambres en ville. Venez-vous-en, y’a de la place. Pis même quand y’a pu de place, j’accueille encore. 
La nuit dernière, j’ai fait mon premier rêve de pandémie, je pense. J’étais fâchée de voir des gens s’agglutiner, je les ai chicanés et je leur ai dit de se disperser. Ils étaient offusqués. Ça y est, chu fru même dans mes rêves.
Demain je vais essayer de trouver mon CD d’installation de Sims 1 pour jouer sur mon vieil ordi. Ou trouver le moyen de jouer en ligne sur mon Mac. Je veux faire des choses simples qui me font du bien et que je peux abandonner quand ça me tente. J’accueille ma paresse.

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