lundi 20 septembre 2021

Mettre la hache dans ma tête

J’ai beaucoup de problèmes dans ma vie mais aujourd’hui j’ai décidé que mon problème majeur, celui qui est urgent à régler, c’est celui de mes cheveux. Parce que moi, je me suis jamais réellement déconfinée, alors j’ai toujours une tête de pandémie, c’est-à-dire une tête qui n’a pas été soignée par des professionnel·les de la chevelure. Je sais que c’est objectivement pas du tout grave, après tout j’ai passé les 15 premières années de ma vie sans jamais aller dans un salon de coiffure.
Vers mes 15 ans, je suis allée à l’école de coiffure, ça me coutait quelque chose comme 10 $ pour une coupe so-so mais meilleure que ce que je pouvais faire toute seule, et un jour je me suis décidée à donner de l’argent à un coiffeur styliste chaudement recommandé et depuis ce temps j’ai toujours préféré confier mes coupes à des coiffeurs ou des coiffeuses qualifiées, malgré le fait que j’y allais pas souvent. Mais ça m’a toujours un peu stressée d’aller chez le coiffeur. Même après en avoir trouvé un bon en arrivant à Montréal. Ça fait 10 ans que je vais le voir, je lui fais confiance. Me faire couper les cheveux, ça me stresse plus qu’aller chez la dentiste. Genre, anxiété d’être pognée en sanouiche entre une chaise et une cape et de rester immobile, anxiété de pas savoir ce que je veux, anxiété de me tromper et de regretter, anxiété d’avoir dépensé de l’argent pour quelque chose de futile (moi). Quand j’ai commencé à explorer les coupes très courtes et à aller voir mon coiffeur régulièrement, mon anxiété est pas mal tombée. C’était devenu quelque chose d’habituel, mon coiffeur savait même un peu ce qui se passait dans ma vie, et ça me dérangeait même pu de me tromper. Des fois, j’allais le voir, je disais propose-moi de quoi, pis on parlait d’autres choses et j’oubliais qu’il était en train de me faire une tête jusqu’à tant qu’il me demande « pis, aimes-tu ça? ».
Je suis pas allée le voir depuis fin février 2020. Des fois, je rêve à mon coiffeur; c’est dire à quel point c’est peut-être pas si niaiseux que ça, mon désir d’avoir des cheveux que j’aime. Mais depuis le début de la pandémie, j’entretiens ça pas mal toute seule. Une fois, j’ai demandé à Nicolas de couper mes cheveux. Il a dit « c’est facile couper des cheveux. C’est facile : faut juste que tu regardes ce que tu fais, pis que ce soit beau. »
Cet été, mes cheveux ont atteint une longueur que j’avais pas eue depuis peut-être trois ans. Je me suis dit qu’avant de retrouver une coupe courte qui me tente, je devrais peut-être en profiter pour essayer des coupes mi-longues que j’ai jamais eues. J’ai donc commencé à penser à ce serait quoi ma prochaine coupe. Et à me faire un petit dossier d’images pour m’inspirer. Et ce soir, alors que je suis prête à me les couper dans ma salle de bain, je regarde mon dossier et il est insensé. Je veux tout et son contraire. J’arrive pas à prendre une décision et je me dis que c’est cave d’en faire un problème, même si ça m’arrange de pas penser à mes autres problèmes; pour l’instant.
Fait que j’ai parlé à Alex de mon problème de cheveux. Ça me fait du bien de me concentrer sur un problème de cette nature. Il me dit : « Mets la hache dans c’te tête-là. » (C’est un grand fan des Voisins.) Ça me prenait ça pour me motiver! Merci Alex.
L’affaire c’est que décider d’une coupe de cheveux implique que je fasse le deuil des autres possibilités que j’avais en tête. (Ayoye, on dirait que j’ai un enjeu sérieux avec l’idée de faire des choix, han?) Alex me rappelle avec justesse que c’est un deuil temporaire, que les cheveux repoussent. Sauf que je viens de prendre conscience que le deuil me parait pire parce que je sens ma péremption de femme approcher. Je constate mon vieillissement (les poches sous les yeux apparues l’an passé sont toujours là; les ridules s’accentuent; les yeux sont bouffis plus longtemps le matin), et je sens que dans pas long je serai devenue une vieille femme et que je pourrai pu avoir un beau look. Ma jeunesse va être derrière moi. Je suis 100 % en désaccord avec cette idée, je trouve ça niaiseux de croire et de dire que les femmes – que tout le monde mais particulièrement les femmes — vieillissantes et vieilles ne peuvent pas être belles ou avoir un beau look. Je suis malheureusement pas imperméable aux idées qu’on me pioche dans la tête depuis ma naissance. Je me bats contre ça. Mais eh.
Depuis que j’ai cessé de prendre des anovulants il y a trois ans, mon acné est progressivement revenue, pour devenir pire que jamais. Ça affecte mon image corporelle, plus encore que mes cheveux de pandémie. Je pense pas être une personne spécialement superficielle, et je suis pas attachée aux standards de beauté répandus, mais je suis incapable d’être à l’aise avec mon acné ou de juste m’en crisser. En plus d’être inesthétique – façon polie de dire que c’est laid; c’est laid –, l’acné me fait mal, me prend du temps et de l’argent, et elle me fait sentir « pas en santé ». Je sais que l’acné dont je souffre n’est pas dangereuse. C’est pas une maladie grave, et c’est même pas le problème de santé le plus préoccupant chez moi. Mais je sais pas là, j’imagine que c’est quelque chose d’évolutif, mais quand je vois ma face couverte de boutons, de nodules, de points noirs et blancs, de rougeurs, d’enflure et de kystes, ça me donne le feeling que je suis malade. Que quelque chose ne va pas dans mon corps, et qu’il faut que j’agisse. Je sais pas quand je pourrai voir un·e dermatologue ni combien de temps ça prendra pour trouver le bon traitement, ni si ça fonctionnera réellement, et dans quelle mesure, et je sais pas non plus combien me couteront les soins esthétiques pour diminuer les cicatrices de l’acné. En attendant, j’essaie des affaires et à date ça donne rien.
Ça fait pas loin de 15 ans que je fais des démarches pour avoir un traitement orthodontique. Par « faire des démarches », j’entends : consulter des orthodontistes, obtenir une estimation des couts, faire un budget pour savoir quand je pourrai me permettre ça; planifier un traitement; me rendre compte que j’aurai finalement pas les moyens de me payer ça à court terme; me faire croire que ce moment s’en vient, que mes finances vont bientôt aller mieux; repeat. Mon désir d’orthodontie est purement esthétique. Je n’ai pas de problème fonctionnel, mes dents vont pas transpercer mon cerveau comme la pauvre Lisa. Mais eh, j’ai jamais réussi à aimer mes dents ni mon sourire, alors je m’accroche à l’idée qu’un jour je pourrai me payer des broches.
Un jour, j’aurai de belles dents, un sourire que j’aime, un jour j’aurai une belle peau, pu de boutons. Un jour, je vais trouver que j’ai une belle face. Ou pas. Parce que je me sens vieillir, et que le jour où j’aurai les moyens de redresser mes dents et de soigner mon acné, je serai vieille, j’aurai alors le visage ridé et le teint fatigué en permanence, il faut donc que je me prépare à un autre deuil : j’aurai jamais eu une belle face.
Les jours où je suis généreuse avec moi et que je regarde des photos de moi des 15 dernières années – j’en ai pas tant que ça; à ce stade-ci du texte tu dois commencer à comprendre pourquoi –, je me dis voyons donc, je capote donc bin pour rien, j’étais quand même quioute. L’image que je me faisais de moi n’est pas celle que je vois sur les photos. Je me dis alors que si la tendance se maintient dans 15 ans je vais m’ennuyer de la face que j’ai présentement, et que je vais regretter de pas avoir réussi à me trouver belle. Câlisse que c’est niaiseux.
Je sais pas où je m’en vais avec tout ça, mais à l’heure qu’il est, c’est pu le temps de mettre la hache dans mes cheveux ce soir parce que je dois me lever tôt demain pour emmener Frédéric-Démon à la clinique vétérinaire. Il le sait pas encore, mais il aura son premier détartrage. J’espère que l’anesthésie se passera bien, qu’il vivra pas trop de stress, qu’il aura pas besoin d’extractions, que ça va pas me ruiner, qu’il se remettra vite de tout ça et qu’il me laissera lui brosser les dents avec son dentifrice à saveur de fruits de mer. Un peu le genre de problèmes que je tentais de fuir avec mon problème de cheveux, là.

dimanche 5 septembre 2021

Moi quand j'ai mon premier jour de congé depuis 3000 ans

Je pense que j’ai besoin d’un petit moment pour me décrisper un peu.