lundi 6 avril 2020

Ma câlisse de recette de câlisses de carrés aux dattes

[Originalement publié le 11 décembre 2019 sur mon Patreon.]
J’haïs ça, cuisiner, câlisse que j’haïs ça. Ça fait que je vais faire une note de blogue entièrement dédiée à la recette de carrés aux dattes que je suis en train de faire, vu que Nicoucou m’encourageait « sans pression » à écrire. C’était ça ou j’écrivais un long email à François Blais, mais je suis trop fâchée pour écrire à François Blais et il mérite pas ça.
Je me sens souvent coupable de ne pas cuisiner plus souvent, parce que ça me permettrait de mieux manger pour moins cher. Je m’en tire souvent avec des tricks comme les patates au beurre de cacahouète, le gruau et les légumes surgelés avec du sel (je vis là-dessus depuis la fin de semaine passée), mais des fois je craque et j’achète un gâteau à 16 $ pis je me sens coupable — encore — parce que j’ai pas les moyens de manger de la bouffe de riches. L’affaire, c’est que souvent, je cuisine pis c’est du temps perdu à jamais dans un trou noir : je rate la recette, alors là j’ai perdu du temps, de l’argent et toute ma patience pour le reste de la semaine.
Là, à l’instant, je sais toujours pas si je viens de perdre du temps et de la nourriture à faire ces carrés aux dattes. J’ai eu envie de manger ça, parce que c’est un de mes desserts préférés. Avant, j’en achetais aux Vivres, mais ils n’en font plus, et ma seule chance d’en manger c’était d’être chez mes parents au bon moment, mais ils habitent à 368 km de chez moi et j’ai pas de char pas de cash alors j’y vais pas très souvent. En gros, tout s’enligne pour que je me retrouve à devoir prendre les choses en main si je veux concrétiser ce désir de carré aux dattes.
J’étais pas sure si j’avais tous les ingrédients et le courage nécessaires, et j’ai dit à Julien, avec qui je partage une passion pour le gruau : Je pense que je vais faire une folie : utiliser mon gruau pour CUISINER.
Une fois que c’est dit, j’ai pus le choix, je recule pas. Julien a l’air d’haïr cuisiner autant que moi. Mais il m’a félicitée chaudement quand je suis revenue de l’épicerie avec les ingrédients manquants. Pendant ce temps-là, dans son appart de monsieur mort, il bouge pas et il se call du tofu Saint-Hubert. Et je l’encourage à mon tour, parce qu’on a bin le droit de se faire nourrir comme un oisillon nidicole, surtout quand on travaille autant, pis il a une nouvelle à écrire.
Lora — C’est pas en cuisinant que ça va s’écrire, han!
Julien — Estie non. La cuisine, c’est l’ennemi juré de la littérature, gnehgnehgneh.
Lora — Écris ça sur ton wall et check bin la shitstorm que ça va provoquer.
Julien — « Moi là, j’écris des livres de cuisine, pis je trouve ça tlm pas correct que tu dises des affaires de même, genre tu te prends pour qui? c’est pas parce que t’écris du roman que tu dois faire chier le peuple. Nous aussi on met de la passion dans notre art, la nourriture. »
Lora — « Pis Philippe Djian, han? S’il savait pas faire des bons chilis, penses-tu qu’il aurait écrit des livres? » (Je l’ai jamais lu, là, mais je sais qu’il parle de chili. En fait, c’est ça sa littérature : de la littérature de bouffe.)
Là, j’ai un petit peu enlevé le gout à Julien de lire Djian. Mais je lui dis que j’ai vu l’adaptation de 37,2 le matin, que c’était bon, fait qu’il check le trailer et trouve que ça a l’air bon mais que 3 h 15 c’est long pis il a une nouvelle à écrire.
Là, c’est là que ma petite impatience latente se transforme en frustration. Estie, il est presque 22 h. J’ai eu envie de manger des carrés aux dattes vers 18-19 h, j’ai ramassé mon courage pis les ingrédients, j’ai travaillé fort, pis trois heures plus tard, C’EST PAS CUIT. Avoir su, j’aurais pris ces trois heures-là pour réécouter 37,2 le matin pis voir si c’est aussi bon que dans mes souvenirs. Mais j’attends après ma bouffe, je sais toujours pas si ce sera mangeable, pis j’ai chaud.

Ah oui : quand je cuisine, je ferme la porte sinon j’ai deux esties de punks qui miaulent et grimpent partout pour se fourrer le nez dans ma bouffe et mes bols, et en tant que germophobe, je peux pas accepter ça. Alors je les expulse le temps que je fasse à manger. Sauf qu’avec le four allumé pis le calorifère sur lequel j’ai aucun contrôle, c’est rendu qu’il fait tellement chaud dans ma mini cuisine que je suis obligée de travailler en boules. Querisse que j’aime ça ne pas avoir de colocs humains, omg, je veux pas retourner en colocation. Bon, là je repense à mon stress de peut-être devoir déménager prochainement, pis je comprends pas les gens qui arrivent à s’évader quand ils cuisinent. Moi, je suis tendue, j’ai pas d’assurance, j’ai faim, j’ai peur. Cuisiner, ça me coute beaucoup.
Julien me dit qu’il aimerait gagner du tofu Saint-Hubert à vie. Pourquoi ces gratteux-là n’existent pas?
En fin de semaine passée, Doune pis moi on a cuisiné des légumes. C’est le genre de cuisine que je peux tolérer : je sacre des légumes surgelés dans une casserole, je fais cuire ça doucement, après je mets du sel aux herbes dessus. Des fois, je mets pas assez d’eau ou je suis déconcentrée et ça brule. Ça, ça me tue. Bruler des légumes, câlisse. J’ai déjà fait bruler de l’eau dans un chaudron. Je sais pas ce qu’il y avait dans l’eau de Beauport, mais ça s’est transformé en sirop foncé puant. Des histoires de même, ça finit souvent en toasts au beurre de cacahouète — as-tu remarqué comment j’essaie de dire cacahouète au lieu de pinote? — ou en bol de céréales.
Je sais même pas combien de temps c’est censé rester au four. Ma mère m’avait dit, quand j’avais noté sa recette (qui était super approximative dans les quantités, déjà), de faire cuire ça jusqu’à ce que ça devienne doré. Là, c’est doré un peu, mais juste dans les coins. Je fais quoi?
J’enlève mes pantalons. C’est ça que je fais. On dirait que la température a encore grimpé. Si j’avais eu de la crème glacée, j’aurais déjà mangé la moitié du pot, pis là j’aurais eu assez frette pour avoir envie de faire la vaisselle (c’est un très bon truc pour avoir envie de faire la vaisselle).
Quand j’étais enfant, j’aimais beaucoup les carrés aux dattes, je noyais ça de crème Nutrifil (ça a changé de nom pour Nutriwhip, mais j’en trouve plus — kessé qui se passe? Quand est-ce que ma qualité de vie va-t-elle cesser de se dégrader?). Mais apparemment que j’avais plus peur des scarabées que j’aimais les carrés aux dattes. Parce que le jour où j’ai remarqué que la purée de dattes ressemblait beaucoup à des barbeaux — on appelait ça de même, et quand j’y pense aujourd’hui ça me semble encore plus terrifiant avec un tel nom — j’ai pus voulu en manger. La couleur, déjà, c’est la même; la peau des dattes rappelle les élytres des coléoptères; et la purée fibreuse forme comme des pattes de beubittes. Ma mère capotait. Je voulais plus manger mon dessert préféré parce que ça ressemblait à des carrés aux barbeaux. Mais aujourd’hui, là, je veux pus jamais cuisiner de ma vie.
En sortant les carrés du four, ils me semblaient juste assez dorés. J’ai même fait des photos pour vous montrer ça : 
Coucou Nicoucou!
Bin estie, j’avais pas fermé le rond de poêle que j’ai utilisé pour faire la purée de dattes, alors mes carrés aux dattes en apparence bin corrects ont le fond tout brulé. FUCK OFF, CRISSE DE CRISSE. 


Je vais quand même essayer de manger les étages supérieurs de mes querisses de carrés aux beubittes, malgré l’arrière-gout de popcorn brulé, parce que FUCK ESTIE ÇA COUTE CHER MANGER. Merci, Julien, de comprendre ma détresse et ma colère. Un jour, on aura peut-être des subventions pour s’acheter du manger qui goute pas la crap.
Doune trouve que ça ressemble à de l’amiante :


Ah oui, la recette en question, parce que t’es pas là pour eurien, han :

2 t dattes rincées
assez d’eau pour couvrir
Fais cuire à feu doux ou moyen (en fait je sais pas, j’ai improvisé).
Pâte :
1 t gras (la margarine donne un arrière-gout weird, c’est surement meilleur avec du beurre de coco)
1 t cassonade ou la moitié
1 1/2 t farine
1/4 c à thé soda
1/4 c à thé de sel
1 1/3 t flocons d’avoine (jusqu’à 2 t)
Tu huiles un moule de 8 x 10 po, tu étales trois étages, les dattes au milieu bien sûr, et tu fais cuire ça à 350 F jusqu’à ce que ça soit doré. Dans mon vieux four, ça m’a pris au moins 45 minutes, mais surveille attentivement. Quand tu sors les carrés aux dattes du four, tu les déposes sur une surface qui n'est pas en feu, okay?

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