dimanche 21 juin 2020

What’s up avec les grenouilles

La semaine passée je suis allée à la frayère Ted-Bundy pour entendre le chant des ouaouarons (Lithobates catesbeianus) et des grenouilles vertes (Lithobates clamitans), les deux espèces que j’avais identifiées au son dans les jours précédents quand je trainais là avec Alexandre. D’ailleurs, je dois dire que je trouve ça très drôle que ça s’appelle des cris sexuels. Les ouaouarons, tu peux pas les confondre. Leurs mugissements rappellent les chants de moines, et ça peut autant être épeurant qu’apaisant. Personnellement, j’ai adoré m’endormir en écoutant les cris sexuels des ouaouarons quand j’ai dormi dans le solarium chez Isabelle au début de l’été 2018. Concernant les grenouilles vertes, j’avais un doute, mais j’ai écouté des extraits de leur chant sur YouTube (j’utilise mes données juste pour des choses importantes) et ça m’a confirmé l’espèce. Alors quand j’y suis retournée le lendemain et que j’ai vu une belle grenouille sur la piste cyclable — à Varennes, on trouve un peu partout des pistes partagées par les piéton·nes et les cyclistes, pis je trouve ça très cave —, j’ai tout de suite pensé que c’était une grenouille verte, et que c’était ses semblables qui émettaient des sons de « corde lâche d’un banjo ». 

Je l’ai admirée, photographiée, puis gentiment poussée dans le dardjére pour qu’elle se tasse du chemin. À l’heure qu’il était, je voyais encore des gens rouler et marcher sur la piste, je voulais pas qu’elle se fasse écraser. Ensuite, j’en ai vu six autres. Là, je voulais pas faire la police des grenouilles, mais je les ai quand même toutes poussées à quitter la piste asphaltée pour leur éviter une mort dégueulasse. La sixième a eu peur, elle s’est lâchée comme le petit crapaud du parc La Fontaine. Sploush de jus de grenouille. J’étais désolée pour elle, mais bon. C’est moins grave qu’un sploush de grenouille écrapou. :( 

J’ai croisé des ados, et je leur ai dit de bien regarder où elles mettaient le pied pour ne pas marcher sur des grenouilles. « Han merci j’ai full peur des grenouilles je vais faire attention. » Elles ont allumé la flashlight sur leurs cells. Ça a pas pris une minute que j’ai entendu un cri aigu. C’était pas une grenouille. 

Moi je pense qu’on devrait installer des panneaux « Attention aux grenouilles », et ce serait encore mieux d’éclairer le sentier, pis pas juste pour éviter de tuer des amphibiens accidentellement, mais aussi pour peut-être empêcher des humain·es de se faire tuer pas accidentellement par des prédateurs humains, parce que c’est fucking terrifiant comme endroit la nuit. La première fois que j’ai décidé de m’y aventurer après la tombée du jour, j’étais au téléphone avec Émilie-Lune, essayant de lui envoyer ma position géographique pour qu’elle puisse rapidement envoyer des secours « si jamais Ted Bundy sort de derrière le mur de quenouilles », pis j’ai eu la chienne comme jamais ça m’arrive quand je marche la nuit en ville. Les lampadaires sont rares, alors il y a des zones de totale noirceur, parce que les lucioles illuminent mon cœur mais pas les sentiers han. J’ai décidé que la frayère et le parc l’entourant s’appellent maintenant Ted-Bundy, pour me rappeler de jamais y retourner seule la nuit.

Tout ça pour dire qu’une fois rentrée au condo et après avoir dit à des amies que j’avais vu des grenouilles vertes, j’ai décidé de vérifier si mon identification était exacte, PIS NON : J’ÉTAIS DANS L’ERREUR. C’était des grenouilles léopards (Lithobates pipiens)!! Je suis contente, parce que ça veut dire qu’il y a au moins trois espèces de grenouilles à la frayère Ted-Bundy. C’est juste ça que je voulais dire, mais apparemment je suis pas capable d’écrire un tabarnaque de récit de grenouilles concis. Ah oui pis j’aimerais ça habiter à côté d’un étang de grenouilles, mais j’haïs la banlieue pis la campagne ça me stresse. FIN.

Grenouille léopard (Lithobates pipiens)

mardi 16 juin 2020

Cimetière d'araignées


Hier en début de soirée, Doune m’a proposé qu’on se voie parce que Cath, son ex, m’a fait un beau masque à motifs de kiwis [vous pouvez lui en commander ici, elle a plein de beaux tissus, ses masques sont bien faits et tiennent en place]. Comme il venait juste de me parler de l’araignée qu’il avait trouvée — possiblement du genre Steatoda —, je lui ai dit apporte ton araignée, et si t’as du temps on peut aller marcher un peu pis je vais te montrer la mienne. La veille, j’avais trouvé une jeune épeire diadème à côté de moi sur le divan et j’étais fière de l’avoir déposée directement dans un contenant en la tenant par sa soie.

Ça fait qu’on s’est rejoints sur le boulevard, on s’est montré nos araignées, pis j’étais vraiment heureuse de vivre ça avec un adulte pour la première fois de ma vie, pis on s’est dit qu’on pourrait aller les libérer au parc. Parce que nos araignées ne sont pas vraiment nos araignées : elles sont à elles-mêmes.

Comme on passe devant le cimetière, je propose d’aller là à la place, dans notre habitat naturel de gothiques. On check les tombes, pour le fonne, par curiosité, parce que c’est une activité que j’aime faire. À Baie-Saint-Paul, j’allais souvent au cimetière avec Patrick, et maintenant on se promène dans celui de Louiseville [il a d’ailleurs adapté des anecdotes personnelles de cimetière dans Le modèle de Nice, j’en suggère fortement la lecture et pas juste pour ça : c’est probablement son meilleur livre jusqu’à présent]. Quand je suis dans une ville que je connais pas, j’aime aller fouiller dans le cimetière pour connaitre les mort·es. Je lis les noms, j’apprends à connaitre les familles de la place, l’âge des mort·es, j’apprécie (ou pas) l’esthétique des pierres tombales et de l’aménagement paysager. Le cimetière de Varennes me semble assez standard : de la pelouse, des pierres tombales en granite lustré, certaines plus vieilles et couvertes de bryophytes, des plaques au sol, quelques arbres matures. Étrangement, plusieurs rangées de monuments ont été tassées vers le fond du cimetière, laissant un grand espace vide. Probablement pour faire un nouvel aménagement? « Je pensais que c’était pour les gens qui ont des longues jambes. » Ouais, des jambes de 40 pieds, peut-être. Logique. On lit les noms des mort·es, je remarque deux Alexina (c’est un beau nom, je trouve). Doune reconnait un jeune mort sur la route en 2005, fait divers triste; la pierre tombale avait attiré mon attention à cause de la petite voiture fixée après. 

Pendant qu’on se dit qu’on devrait déposer nos araignées sur le monument « le plus gothique », un char arrive tranquillement dans le cimetière. Doune, qui est toujours super inquiet d’être interpelé par la police, dit que c’est à cause de notre présence. C’est sur, voyons. Pas moyen de visiter un cimetière de banlieue sans se faire arrêter par la police pour vagabondage ou je sais pas quoi. On rit, je dis qu’on a juste à dire « bin quoi, on promène nos araignées au cimetière, as-tu une meilleure idée de choses à faire un lundi soir à Varennes? », pis effectivement, un dude sort du char et se dirige lentement vers nous. 

Je décide alors d’avancer et je le salue. Tsé, drette le contraire de ce que feraient des BUMS? Le gars est relativement jeune, il a l’air d’un agent de sécurité, ou peut-être d’un employé de la ville, c’est dur à dire, j’ai pas trop examiné son uniforme. Il nous demande ce qu’on fait, de manière polie et pas pantoute autoritaire. « On se promène dans le cimetière. Est-ce qu’il est trop tard, on n’a pas le droit d’être ici? » Il dit « ah okay, nenon, ça ferme à 11 h [il est autour de 9 h]… c’est que je vous voyais passer d’une tombe à l’autre, pis c’est le soir… c’est sketch un peu… fait que je devais juste vérifier ». J’arrive pour dire okay on va s’en aller, mais en le disant dans ma tête ça me parait tellement niaiseux que je dis juste rien, sans bouger. C’est là que Doune ajoute « on check les araignées », pis je dis rien, je ris même pas. Ouf. Quelle situation weird.

Le gars ne semble pas avoir plus envie que nous d’avoir cette discussion. Je pense qu’il est là juste pour répondre à l’appel d’un·e citoyen·ne ou aux ordres d’un·e superviseur·e, c’est pas une tite police sur un power trip qui veut contrôler le monde. Mais c’est wack pareil. Pour tout le monde.

Pour moi, un cimetière c’est comme un parc, mais en nettement plus tranquille parce que les mort·es font pas des barbecues pis y’a personne qui risque de m’envoyer un frisbee par la tête. Mais je vais jamais dans un cimetière avec l’idée de m’énerver ou faire du trouble, je comprends la symbolique des lieux. Doune et moi on marche lentement, on parle à voix basse, on grimpe pas sur les pierres ou dans les arbres, on fait pas caca par terre, en fait on agit exactement comme deux personnes âgées qui visitent leurs époux·ses décédé·es, à l’exception qu’on promène nos araignées. Mais faire des affaires de même un soir de semaine en banlieue, c’est suspect. 

Doune avait pu trop envie de laisser nos araignées ici, parce que ça impliquait de laisser son pot dans un buisson vu que sa Steatoda sp. était en train de manger sa guêpe et qu’on voulait pas la déranger. J’ai proposé de la libérer sur mon balcon quand elle aurait fini son repas, entretemps ça me laisse du temps pour tenter de l’identifier. 

On a fait le tour du boulevard, on n’a vu aucun lapin, mais j’ai flatté un beau barbeau et en rentrant j’ai déposé sur mon balcon ma petite épeire aux gros pédipalpes.

À date, me faire interpeler au cimetière avec Doune pis nos araignées est mon plus beau souvenir de Varennes et il me reste encore trois semaines pour battre ça.

L’araignée de Doune. Peut-être Steatoda grossa.

mercredi 10 juin 2020

Le lapin et la balène

La première chose que j’ai sue en me réveillant, c’est que le balènou avait été retrouvé mort à Varennes. Je suivais avec inquiétude ce cas inusité d’un jeune rorqual à bosse (Megaptera novaeangliae) d’environ deux ou trois ans qui attirait les badauds de Québec jusqu’à Montréal, parce que les baleines n’ont pas l’habitude de se tenir dans l’eau douce du fleuve. Dumont et moi on l’appelait le balènou, parce que je suis sa balène. J’ai vu la vidéo de sa carcasse à la dérive alors que j’avais même pas vu de vidéo de ce balènou quand il était en vie. Dumont a dit : « WTF c’était quoi les chances qu’une baleine meure à Varennes pendant que t’es là. Une chance que t’es pas psychotique lol ». J’allais dire une chance que je suis pas superstitieuse, mais ouais, une chance que je suis pas en psychose non plus. RIP, petit balènou. L’autopsie devrait nous en dire plus sur les causes de sa mort. Était-il malade? Stressé? Blessé? Ou juste aventurier? Ou encore, un peu niaiseux et imprudent? Dans tous les cas, il ne méritait pas cette fin prématurée et injuste.

Après, j’ai dit à Dumont que je devrais peut-être me remettre à travailler plus. J’ai fait quelques petits contrats dans les derniers jours et ça s’est quand même bien passé. 

J’ai commencé la journée en révisant un court document, puis un autre. Après, Ringuette m’a dit « veux-tu jouer aux Sims? » pis j’ai installé The Sims 4 (merci Mynou!), j’ai créé un bonhomme que j’ai appelé Ringuette Ringuette, j’ai savé la partie, ensuite j’ai pu été capable de rien faire. Même pas capable de faire une sieste, Frédéric-Démon n’a pas arrêté de se lamenter. Je venais pourtant de le nourrir, alors il voulait probablement jouer. Mes chats me trouvaient plate quand je travaillais trop, et ils me trouvent plate quand je suis en dépression.



J’ai décidé d’aller marcher. Mon compte de lapins de Varennes est rendu à dix-huit!

J’ai vu mon dix-septième lapin sur le terrain d’un gros bloc. Il m’a aussi vue, il a figé; probablement qu’il avait hâte que je parte pour continuer à faire ses affaires de lapin. Okay pardon, je continue ma marche.

J’ai vu mon dix-huitième lapin sur le terrain d’une maison et cette fois il était assez proche de moi pour que je puisse faire cette photo de très mauvaise qualité. 



Normalement, les lapins figent quand on s’approche d’eux et détalent seulement quand on entre leur zone limite de fuite. Lui, il était pas pantoute en mode camouflage, il savait que je le voyais et il bougeait devant moi, un peu comme le font les chats précieux. Je sais pas si c’est parce qu’il n’a eu que de bonnes expériences avec les humains ou si c’est parce qu’il était juste un peu niaiseux. Oh, j’espère qu’il est pas niaiseux. Les lapins niaiseux n’ont pas une bonne longévité à l’état sauvage. Oh que je m’estime chanceuse de pas être un animal sauvage.

Avant de voir ces deux beaux lapins vifs, j’ai vu mon seizième lapin. Très, très mort. Il ne restait que sa peau et ses petites oreilles fripées, un onesie triste et sale qu’on aurait crissé au chemin. Je sais pas si j’ai déjà vu ce lapin lorsqu’il était vivant. RIP, beau lapin. Personne ne fera l’autopsie de ton petit corps discret, mais je t’ai vu. Dans ma tête, je te fais des obsèques. Et je m’estime chanceuse d’être vivante, même si être vivante ne m’empêche pas de me sentir comme un onesie vide.