lundi 6 avril 2020

Jour 6 de quarantaine

[Originalement publié le 19 mars 2020 sur mon Patreon.]

Avant de me coucher, j’ai voulu faire mon épicerie en ligne, comme je l’ai dit hier. Sauf que le Métro pouvait pas me livrer quoi que ce soit avant lundi. Oups. J’ai donc fait appel une fois de plus à mon super réseau de super personnes. À mon réveil, j’avais plusieurs messages d’ami·es m’offrant d’aller faire mon épicerie. Et pas juste des ami·es super proches, là. Des gens bienveillants qui veulent prendre soin des autres, parce que c’est la seule chose à faire, la seule chose qui compte en ce moment. Je peux pas encore rendre la pareille, alors j’essaie de prendre soin du monde autrement. 


Ayoye, les nerfs le cell.

C’est Marie-Anne, la sœur de Thieuse, qui est allée me chercher des vivres. Pis elle a même dû se rendre à une épicerie plus loin parce que celle du coin est fermée pour rénovations (estie de timing). Au début, j’étais pas sure si je devais l’inviter à passer le cadre de porte, pis j’ai dit ouin, c’est pas vraiment pire que marcher dehors, alors on s’est tenues à distance raisonnable et on a jasé un peu. C’était ma première discussion IRL avec une personne humaine depuis jeudi soir. Je dis ça comme si c’était incroyable, mais ce l’est pas pantoute. 

C’est bizarre juste parce qu’on est obligé·es de faire ça, parce que la raison est grave. Je suis capable de passer du temps seule sans en souffrir, j’en ai même besoin. En 2012, durant ma période d’agoraphobie aigüe, j’ai passé 16 jours consécutifs sans mettre le pied dehors. Juste faire une marche au coin de la rue me déclenchait une crise de panique. Tout me renversait, je pouvais rien endurer, j’avais comme pu de peau, les odeurs du printemps me donnaient des palpitations, les bruits tout à fait ordinaires de la ville m’inquiétaient au plus haut point, alors l’extérieur, LOL. J’aurais pu continuer comme ça encore longtemps, en fait j’aurais voulu ne pas avoir à sortir, mais quand Thieuse a su que je sortais plus et que j’étais rendue à me nourrir de biscuits soda parce que j’avais plus de provisions, il est arrivé chez moi et m’a forcée à aller faire l’épicerie avec moi, à littéralement un coin de rue. Et j’avais trouvé ça grave, grave. 

Ce l’était pas, mais c’était comme ça que je le ressentais. Là, on vit de quoi de grave pour vrai, et je suis même pas anxieuse au quart de ce que j’étais en 2012, parce que je suis plus solide qu’avant, et peut-être aussi parce que mon anxiété se manifeste autrement. Mais je sais que ça peut revenir n’importe quand. C’est pour ça que je dis souvent que je suis une agoraphobe en rémission et non que je suis guérie. Et j’y pense beaucoup ces jours-ci parce que je sais aussi que si je reste encabanée longtemps, l’extérieur peut de nouveau me sembler hostile — que ce soit vrai ou non — et ma simple marche quotidienne pourrait devenir un moment pénible et stressant au lieu d’être une activité qui m’aère l’esprit et fait du bien à mon corps. 

Aucune sortie, aucune activité physique de la journée. Par contre, je me brosse les dents même si je frenche avec personne, je mets mes plus belles bobettes même si personne les voit, je prends ma douche, je mange, je joue avec les chats. À manné j’ai commenté un statut de Régis à voix haute. C’était bizarre. 

J’ai fait un petit contrat d’une heure. Je trouve ça encore plus bizarre que d’habitude quand je fais une job qui me semble pas essentielle à l’échelle du monde. Je l’ai fait pareil, parce que je m’estime chanceuse pis les bills sont pas encore suspendus, eh. 

Après, j’ai parlé sur FaceTime avec Frédéruc pendant qu’il attendait en ligne au 811. Il tousse, et il habite avec deux personnes vulnérables. Ça vaut la peine de s’assurer que tout est beau. Soyez patient·es, gardez votre cell sur la charge et préparez-vous des choses à faire. 

J’ai fait une petite sieste avant le gala de l’Académie de la vie littéraire. Oh my. Faut que je fasse un texte juste là-dessus. Le bien que ça m’a fait d’être avec ce monde durant une heure. Après, je pense que j’étais pas seule à ressentir un certain vide, un peu de tristesse. J’ai parlé avec Evlyn sur FaceTime. Une chance qu’on a des filtres niaiseux, ça aide à vivre avec les choses graves. Les patron·nes qui forcent leur personnel à travailler sont des choses graves. 

Thieuse et Catherine ont pas laissé tomber le gala.


Je pense à la photo de mouche que Sam m’a envoyée ce matin, avec la mention « On a notre première mouche! ». J’ai fait un screenshot. Ça me semble important.

Amélie et moi on s’est échangé d’autres messages audios, du beau et du triste, puis j’ai niaisé un moment avec Doune, on a essayé tous les filtres, mais je trouvais pas le jeu du hambégueur (WTF Facebook? estie de timing pour enlever ça?!). On voulait regarder Salut bonjour ensemble avant de se coucher, mais il était trop fatigué, alors je vais poursuivre ma lecture de Ceci est mon corps, avec Whitney qui ronfle doucement sur moi. 


Je vais essayer de faire un rêve de fesses. Si ça marche, je vous le raconte demain.




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