lundi 30 novembre 2020

Notre plus belle épicerie

[Originalement publié le 27 octobre 2020 sur mon Patreon.]  

Tantôt, avant d’aller faire ma marche de petit monsieur, j’ai demandé à Régis si elle voulait que je passe lui donner son dessin de Doune qu’on lui doit depuis des mois — c’était sa paye pour son travail de révision sur notre fanzine Pèse su play pis meurs. Payer en dessins, c’est ça notre système économique, OUÉ. Comme elle s’en allait au dep, je lui ai proposé qu’on marche un peu ensemble. 

 

Les marches entre ami·es, c’est ça ma vie sociale maintenant, et je sais jamais si je dois m’estimer chanceuse d’avoir ça ou si c’est un signe que tout s’écroule, mais en tout cas je les apprécie pour vrai. Samedi, j’ai marché un peu avec Thieuse, et ce soir, c’était mon bon Régis, et ça m’a fait du bien de la voir et de jaser avec elle. 

 

On arrive au dep et je lui demande de me pogner une bouteille de savon à vaisselle parce que j’en ai pu pantoute et je sais que ma pile de vaisselle travaille fort pour toujours se dépasser. J’attends et je check mes messages, en souriant niaiseusement parce que Régis vient de me faire rire.

 

Un dude arrive vers moi, je me tasse pour le laisser passer. Mais il veut pas entrer dans le dep, il veut juste « se réchauffer » — moi j’entends plutôt qu’il veut « socialiser ». Il me regarde, je vois qu’il veut engager la conversation. 

 

— Wow, tes yeux, y’a beaucoup de travail là-dessus. Un bon 2-3 heures?

— Hein? Bin là non. 

— Une demi-heure?

— Ça c’est si je fais autre chose en même temps. [Ayoye, pourquoi j’embarque?]

— Multitasking, hé hé!

— J’appelle plutôt ça un déficit d’attention. [Je devrais pas répondre…]

— Ah. Qu’est-ce que tu fais de bon? 

— J’attends mon amie. [Pis j’ai hâte qu’elle sorte.]

— Pis vous faites quoi ce soir?

— On fait l’épicerie! [Non, on va pas t’inclure dans nos plans…]

— Han! Yé pas un peu tard pour ça?

— Y’a pas d’heure pour faire l’épicerie, c’est pour ça que c’est toujours ouvert.

— Pis vous faites quoi après, vous allez vous faire une bouffe? [Chu tannée…]

— J’sais pas. On socialise dehors. C’est comme ça que ça se passe maintenant han? [Non mais j’va-tu la farmer ma yeeeeeule!]

— Vous habitez où? 

— On est dispersées.

— Non mais là, vous allez où?

— [outrée] Tu veux que je te donne mon adresse? [Je suis vraiment la meilleure pour me défendre.]

— Han bin non. Pas besoin, je vais vous suivre, hé hé.

— Viens-tu de me faire une joke de stalker à 1 h du matin? [Quelle répartie! etc., etc.]

 

Régis sort avec sa boite de sacs poubelle, me tend ma bouteille de savon à vaisselle. Wow, c’est la plus belle et la plus désirée bouteille de savon à vaisselle que j’ai jamais vue. Régis a dû le voir dans mes yeux :

 

— Old Dutch, ça c’est bon!

— Citron, en plus. Un classique!

— Oué!

— C’est la plus belle épicerie de toute notre vie.

 

On s’éloigne, le dude nous regarde, avec un air un peu what the fuck. Je résume à Régis notre discussion, discrètement, pour qu’on se méfie toutes les deux. Le monde appartient aux dudes, et ça laisse peu de place à l’insouciance pour les autres.

 

Il nous a quand même suivies de loin sur deux coins de rue. Régis a proposé d’aller chercher sa batte de baseball cloutée, mais j’ai dit nenon, je veux pas qu’il sache où tu vis, anyway j’ai du poivre pis on a marché vite toutes les deux, Régis m’a montré son passage secret, on a fait un détour, et hop! on a semé le gentil stalker.

 

Toujours en marchant, on a parlé de rouge à lèvres, de notre usage de Facebook, de sexe (je lui ai demandé si je pouvais être son p’tit génie sexuel; je vais essayer d’en reparler ici prochainement), de nos émotions, de santé mentale, DE NOS CHATS, de nos ex, de son amie Josianne, de la pièce qu’elle écrit, et de plein d’autres affaires, et je pense que je lui ai coupé la parole plusieurs fois (je m’excuse Régis), faudrait que j’apprenne à me calmer un peu quand je vois du monde.

 

J’ai testé le savon à vaisselle, ouh la la, ça sent le bon vieux produit ménager d’antan qui tue les virus et les bactéries.

 

Bonne nuit!

 

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