lundi 25 mai 2020

La fois où Whitney a disparu

Hier, Whitney m’a fait le pire coup. Elle s’est enfuie dehors, la maudite. 

Je me préparais à sortir pour aller marcher, et y’avait juste Frédéric-Démon qui me tournait autour. Pas de Whitney en vue, c’est louche. Je fais le tour des pièces, l’anxiété monte, et rendue dans la chambre, je vais voir la porte patio que j’avais ouverte de deux pouces parce que le moustiquaire est brisé : Whitney a réussi à tasser la lourde porte. Fuck! 

Là, je me vois déjà en train d’imprimer des avis de disparition et de cogner à toutes les portes de toutes les esties de maisons de cette estie de ville, mais je me dis, nonon, est surement pas loin, ça fait pas longtemps qu’elle est sortie dehors. Je pogne le sac de croquettes de Star et Scarlet — les chattes de mon beau-frère viennent passer des fins de semaine ici, alors elles ont des choses à elles que j’ai dû cacher, mais mes deux ratons laveurs ont réussi à ouvrir un pouf (!) pour trouver et défoncer leur sac de bouffe — et je sors sur le balcon en l’appelant. « Whitney? Ma chatte? » Je l’entends.

Je suis si heureuse d’avoir ce lien avec mes chats qui fait en sorte qu’on peut se parler. Je connais leurs tons de voix, je sais quand ils miaulent d’ennui, de faim, de peur, d’inquiétude, de colère, je sais quand c’est un appel au jeu ou une alerte prévomi. Sa réponse, c’était son petit miaulement mi-inquiet mi-excité qu’elle pousse chaque fois qu’elle se retrouve dehors. Mais cette fois, c’est un environnement entièrement inconnu pour elle. 

Elle se trouve dans l’escalier en colimaçon, à l’étage du dessous. Mon stress baisse d’un cran. Je cours jamais après mes chats quand ils sont dehors. Je reste relaxe, rassurante. Anyway, inutile de courir, sont plus rapides et agiles que moi. 

« Viens ma chatte, reste pas là, voyons. » Je brasse le sac de croquettes. Elle me regarde et miaule. Semble vouloir remonter. La spirale d’escaliers et le stress ont dû la désorienter, elle passe à travers les barreaux de l’escalier pour se rendre sur le rebord du balcon de la voisine. Oh shit. C’est étroit. Du genre pas assez large pour lui permettre de faire demi-tour. Elle recule, me regarde, regarde l’escalier, miaule. On est au troisième étage, faut pas qu’elle tombe.

Je pense qu’à ce moment-là, je lui ai dit « ça va aller, ma fille ». ÇA VA BIEN ALLER. Eh boy. Je me gosse tellement.

Whitney peut pas sauter à reculons pour revenir dans l’escalier, alors elle saute par-dessus la barrière du balcon. Là, je sais pas si c’est parce que tous les condos de l’immeuble sont identiques ou si c’est parce que c’était une porte, mais Whitney décide d’entrer chez la voisine. Sauf que.

Elle lâche son gros miaulement de chatte fru qui vient de voir un autre chat. Oups. Je m’approche et je vois un beau chat rond de l’autre côté du moustiquaire, qui regarde Whitney, l’air de dire « hey, what’s up? », tandis qu’elle poffe et crie encore plus fort. 

La voisine arrive — on s’est jamais vues, on se connait pas pantoute — pour voir c’est quoi ce bordel et sort sur son balcon. Pendant que je me confonds en excuses tout en me présentant maladroitement, Whitney entreprend d’escalader le moustiquaire, toujours aussi poffée, en miaulant fort. Je le sais qu’elle a peur. Ma pauvre chérie. 

C’est cave, mais à cause de la distanciation sociale, je suis pas sure jusqu’où je peux m’approcher, je veux pas entrer dans la bulle de la voisine. Ça fait quand même des semaines que je la sens la vibe de méfiance de tout le monde, et le bloc entier a l’air sérieusement confiné, ici y’a personne qui fait des partys de contagion pis j’ai même un voisin qui hésitera pas à appeler la police s’il voit des visiteur·ses entrer dans le bloc. La voisine me dit « tu peux venir la prendre », alors je cueille ma chatte au top de la porte, elle se cramponne à mon épaule (ouch), les yeux ronds comme des billes, le petit cœur qui débat, et tandis que je suis tellement, tellement désolée, elle a réussi à ouvrir la porte et n’a pas l’habitude d’être dehors, elle est juste terrifiée, je m’excuse de vous déranger, je vais remplacer votre moustiquaire sans problème, j’espère que votre chat a pas trop eu peur, la dame me jase ça, alors je dis un instant je vais juste aller porter Whitney, j’ai trop peur de la perdre, je reviens tout de suite.

Whitney essaye pas de fuir, elle rentre directement, et par la bonne porte. OMG. Câlisse que j’ai eu peur. 

Je redescends pour m’excuser encore et faire un peu connaissance avec ma nouvelle voisine. On a finalement jasé un bon 10-15 minutes, de nos chats vivants et morts, de la marmotte qui habite dans la cour, de Varennes, elle m’a aussi dit par où passer pour prendre un raccourci vers l’épicerie, et que non elle ne m’entend pas et que je la dérange pas pantoute, et ça aussi ça a fait baisser mon stress d’une coche. 

Je suis remontée, j’ai bien fermé la porte patio que j’ai pas l’intention de rouvrir. J’ai pris une poignée de croquettes et j’en ai donné à ma fugueuse qui était encore énervée par son aventure, pis à son frère itou parce que c’est important d’être équitable. J’ai fini par aller marcher — ça aussi ça aide à me calmer les nerfs —, pis j’ai passé le reste de la soirée à flatter Whitney, à lui dire à quel point je l’aime et qu’elle est la pire chatte du monde et que j’ai eu gros gros peur, à jouer avec elle, à la laisser me licher le front, à la flatter encore. Pis à son frère aussi, parce que je suis équitable. 

Ce soir, Whitney et Frédéric-Démon sont couché·es au pied du lit, ils sentent bon et je leur dis qu’ils sentent bon. Les chats disparus c’est une tragédie pis je veux jamais vivre ça.

S’étaler sur le sol après le gros stress.

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